Regards croisés

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Révéler un nouveau visage du Tout Autre

L’évangile de Luc, pris dans sa globalité, présente une abondance de paraboles. Nous retrouvons parmi elles les plus citées dans les cercles des assemblées chrétiennes. Le texte de Luc met en scène des lieux de rencontre où se tissent des relations. La Bible nous parle de l’Alliance. Une Alliance que Dieu cherche à établir avec les humains et les invite à faire de même les uns avec les autres. Pendant longtemps, l’humain a perçu sa relation au divin d’une manière très légaliste. Une relation qui était régie comme un code de droit pénal à réciter et appliquer à la lettre. Les évangiles nous montrent, tout particulièrement dans cette parabole, que Jésus est d’avantage venu pour établir une relation.

La parabole de l’enfant prodigue présentée par l’évangéliste Luc au chapitre 15 ne se retrouve pas chez les autres évangélistes. Ce récit représente pour Luc la miséricorde telle que présenté par Jésus. Cette parabole est bien connue. Elle nous est racontée suite à un échange avec des pharisiens qui critiquent Jésus parce qu’il mange avec des pécheurs. Pour ces pharisiens, cela ne peut pas être une image de Dieu. Car au contraire, les hommes de Dieu comme eux sont purs et doivent rester à part et ne pas se mêler au péché. Par sa présentation de cette parabole, Jésus présente un autre visage du Père. Quel est ce visage? Celui de quelqu’un qui cherche, au contraire des pharisiens, à se faire proche. C’est celui d’une relation qui n’est pas basée sur le mérite, le donnant-donnant, à l’image de toute relation commerciale, mais sur la gratuité du don qui relève de l’amour.

L’hospitalité donnée et reçue

J’ai découvert dans cette nouvelle lecture du texte du Fils prodigue de Luc, un angle éclairant. L’hospitalité donnée et l’hospitalité vécue. Une image sur la nécessité de la mise en relation. L’enfant prodigue, le fils cadet qui revient vers le père, est celui qui n’est plus capable de vivre la vie qu’il avait cru être la vie à vivre. Après avoir demandé sa part d’héritage à son père et quitté son identité, il décide de revenir à ses racines, en tissant de nouveau des liens de vie. Malgré la grandeur de son orgueil, de son désir de s’affranchir de ses liens qui le définissaient, il va accepter l’hospitalité du Père. Et vice-versa, puisque celui-ci a choisi, dans l’hospitalité qu’il offre au fils, de tisser lui aussi cette toile relationnelle que le départ de son fils cadet avait brisée. Dans ce retour vers le Tout Autre, la parabole suggère que le fils y trouve sa réalisation. À eux deux, ils réparent le pont qui avait été détruit. C’est à l’image de Jésus qui est venu, comme nous le montre les évangiles, tisser des liens, se faire proche, de ceux et celles qui se trouvaient à la marge de la société juive du premier siècle. C’est dans cette relation que se tissent nos vies! Accepter l’accueil c’est se libérer du ressentiment et de l’esclavage.

Un besoin de confiance et de reconnaissance

Dans le récit de Luc, j’ai trouvé éclairante ma lecture du texte d’Henri Nouwen sur l’enfant prodigue. Il nous présente, tour à tour, les visages du fils cadet, du fils aîné, et du père. Il se représente, à différents moments de sa vie, dans la peau des trois personnages. Il écrit, « Bien que Dieu sorte lui-même au-devant de nous, pour nous trouver et nous ramener à la maison, il nous faut non seulement reconnaître que nous sommes perdus, mais aussi être prêt à nous laisser trouver et nous laisser ramener à la maison. Il faut de la confiance et de la reconnaissance (p.105). » C’est ce qui m’a fait souligner plus haut la nécessité d’accepter l’hospitalité. Cela va à l’encontre de nos désirs de toute puissance qui cherchent à préserver la liberté et surtout l’autonomie de notre individualité. Le Tout Autre est un grand bâtisseur de liens (j’emprunte cette expression à Marion Muller-Collard). Il faut mettre notre orgueil de côté et se laisser happer par cet appel à la rencontre.

« La parabole de Jésus met en scène le Dieu-père dont nous devons imiter les sentiments et les gestes. Il avait cette conviction profonde: celui qui manque d’amour n’a pas besoin de sanction, de reproches. Car ce n’est pas cela qui peut le changer. C’est seulement en se sentant véritablement aimé qu’il retrouvera la force d’aimer à son tour. Celui qui manque d’amour a besoin de se sentir serré, embrassé avec force et tendresse, de se sentir respecté, revalorisé. Et d’autant plus que le manque d’amour est le plus grand. Face aux critiques de son attitude envers les pécheurs, Jésus se justifie donc en invoquant la conduite même de Dieu. Et il dit que le Père agit ainsi parce que l’amour véritable agit ainsi. Il n’y a pas d’amour vrai sans pardon. »

Georges Convert

Étienne Godard

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