Jésus qui se fait voir
Le Jésus qui se fait voir ici est bien différent de celui qui se laisse voir dans l’évangile de la semaine dernière (Jn 20,19-31). Chez Jean 20, les disciples sont enfermés dans une pièce. Ils ont visiblement peur. C’est le jour même de la résurrection de Jésus. Il se présente, montre ses plaies afin qu’on le reconnaisse bien, souffle sur eux son esprit et les envoie en mission. Je dirais ici que nous avons droit à un Jésus dans toute sa gloire.
Dans le texte de cette semaine (Jn 21,1-19) la mise en scène est bien différente. Nous ne sommes plus à Jérusalem, la ville sainte, le lieu de la mort et de la résurrection de Jésus. Le récit du temps pascal est chargé de signes chez Jean. Jésus entre en ville avec le récit que nous donne le dimanche des Rameaux. Puis Jésus enseigne au temple, où il a des controverses avec les membres des autorités religieuses, pharisiens et scribes. Vient le procès de Jésus, sa mise à mort, sa résurrection et ses différentes apparitions, comme cette dernière, en bordure de la mer de Galilée. On se souvient du tombeau vide, de son apparition aux apôtres au cénacle, ou encore aux disciples d’Emmaüs.
Un autre regard
Si dans Jean au chapitre 20 Jésus se fait voir le premier jour de sa résurrection, ce n’est pas le cas au chapitre suivant. Les disciples présents dans la barque au chapitre 21 sont probablement retournés, après les épisodes de la passion, à leur activité première, la pêche. C’était là leur occupation avant que Jésus vienne, au début de sa vie publique, les invités à sa suite. Il faut se rappeler que Jésus et ses apôtres, dans la première partie de leur vie publique, ont passé beaucoup de temps autour et sur la mer de Galilée. C’est le lieu premier où s’est formé et cimenté le groupe. C’est aussi le lieu des grandes ferveurs populaires envers le prédicateur nazaréen. On se souviendra du récit de la multiplication des pains sur la montagne, où Jésus voulait nous montrer que sa parole était une vraie nourriture. Il y avait aussi des poissons qui y ont été distribués. Autour de la mer de Galilée, le poisson était certainement très présent dans la diète quotidienne des habitants. Le poisson, ichthus en grec, était un signe de reconnaissance chez les premiers chrétiens.
Nous pouvons avoir l’impression que nous revenons au début du récit, après avoir accompli une longue boucle. Au tout début, après que Jésus ait demandé à Mathieu, le publicain, le collecteur de taxes de se joindre à lui, Mathieu fait un grand repas pour célébrer sa nouvelle vie. Nous le retrouvons assis avec Jésus et ses amis, qui comprend très certainement d’autres collecteurs de taxes, ressassant les premier pas de la communauté qu’il veut former, sous le signe le l’inclusion et de la fraternité. Déjà des premières transgressions aux yeux des membres de l’élite religieuse, déjà en opposition. Ce repas marque les premiers pas de Jésus.
Une dernière scène remplie de simplicité
À ce moment où Jésus se fait voir de nouveau, sur les berges de la mer de Galilée, nous revenons au thème central qu’a été le repas tout au long de sa vie publique. Symbole de la parole de Jésus qui nourrit. Je retrouve dans cette dernière scène que nous présente l’évangéliste Jean beaucoup de simplicité et d’humilité. Nous assistons ici à un nouveau départ, je pense. Très probablement la naissance de l’Église qui est ainsi symbolisée. Il y a le repas eucharistique, le dernier repas, celui du jeudi saint, qui est fondateur. Il y a eu aussi tous ces autres repas marqués d’inclusion, de partage de la parole, de partage du quotidien qui marquent tous l’effacement des barrières et des enfermements.
Au milieu des souffrances de ce monde, isolés dans nos tours d’ivoire, nous risquons de ne plus te voir. Ta présence au milieu de nous se manifeste quand nous partageons le pain. Apprends-nous à nourrir le jardin de la terre: hommes et femmes innombrables, différents, mais appelés à aimer. Que nos communautés deviennent signes du pain et du vin partagés Que le silence amoureux de ta présence absente devienne notre force pour rassembler sous le toit de l’amour tous les humains. Amen!
Georges Convert
Étienne Godard
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