Comme citoyen d’un pays libre en ce début du deuxième millénaire, il est difficile de ne pas noter que cette paraboles sur serviteurs sans salaire nous fait grincer des dents. Jésus utilise un vocabulaire qui est plein de sens pour cette société juive du début de l’ère chrétienne. Cette réalité n’était pas propre à la société juive. Elle devait faire partie du quotidien de l’ensemble du bassin méditerranéen, en fait, de l’ensemble de l’Empire romain.
Je pense que nous ne devrions pas aborder ce passage de l’évangile de Luc indépendamment de celui qui précède. Au début du chapitre 17, au premier verset, Jésus s’adressant à ses disciples. Il dit qu’« il est inévitable qu’il y ait des causes de chute ». Puis il ajoute que si ton frère t’offense sept fois le jour et que sept fois il revient et se repend, tu dois lui pardonner.
Suite à cette parole bienveillante du maître, il annonce à ses disciples que ceux-ci doivent se faire serviteur les uns des autres. Je comprends cette parole comme étant à sa propre image : Jésus a été lui même serviteur de la parole du Père. La parole qui précède cette demande du maître de Nazareth, toujours rapportée par Luc, vient des disciples qui disent: Seigneur, augmente en nous la foi. Dans le texte utilisé au Relais, Georges Convert traduit foi par confiance. Pour accepter ce que Jésus leur demande, devenir des serviteurs gratuits de la parole, les disciples demandent de posséder une force et un courage inébranlable.
Jésus connait bien ses disciples. Il sait que ce sont des humains, prompt à leurs faiblesses, aux nombreuses chutes. Avant même ces hésitations, comme nous l’avons vu plus haut, il les a assurés qu’ils baignaient dans la miséricorde. Entre frères, entre soeurs, cette miséricorde doit toujours être à la portée de tous, car les chutes sont inévitables, elles font partie du cours même de la vie. Cette invitation au service, dans la miséricorde, est à l’image du Jésus qui, au dernier repas, dans le récit de Jean, lave les pieds de ses disciples. Georges nous rappelle que c’est-là un des derniers gestes qu’il a faits avant de mourir.
Qu’est-ce qui doit être à la source de ce service gratuit des uns pour les autres: le principe d’amour, qui ne peut être présent que dans la gratuité. Dans l’expression de serviteur sans salaire, je pense que nous devons y lire une invitation à la gratuité. À l’intérieur de cette parabole sur ces serviteurs sans salaire, je ne pense pas que Jésus fait un appel à la soumission ou à la dépendance. Bien au contraire, il nous appelle à tisser des relations, des alliances basées sur le don, la gratuité, l’abondance que nous accorde la vie qui ne se révèle que dans l’amour fraternel ancré dans la miséricorde.
Dans ses réflexions sur le texte de Luc, Georges nous en parle avec beaucoup de verve. Laissons-lui la parole :
En face des trahisons de l’amitié, des infidélités de l’amour, des mensonges calomnieux, la réaction première, instinctive, est souvent celle de la violence physique ou verbale. Pardonner, ce sera de renoncer à réagir par la violence à la violence qui nous est faite. Cela peut nous sembler impossible… au-dessus de nos forces humaines! Est-ce pour avoir la force de ce pardon inconditionnel que les apôtres demandent à Jésus d’augmenter leur foi? Tu nous demandes de pardonner comme seul Dieu peut le faire? Augmente en nous notre confiance.
L’image du sycomore dans la mer n’est pas une invitation au miracle. Jésus n’a fait de miracle que pour guérir les humains. C’est une image que Dieu peut faire revivre de la mort (i.e. la mer est l’ image de mort dans la bible). Le pardon dont on parle juste avant ce passage, redonne la vie là où elle avait disparu avec le péché. L’invitation à pardonner est une invitation à redonner la vie là où s’était installée la mort. Un pardon qui peut faire rejaillir l’amitié, l’amour et la vie. Mais toute action, si elle veut être porteuse de vie, doit être faite par l’amour. Et l’amour n’est présent que dans la communion de deux êtres: jamais dans un être solitaire.
Georges Convert
Étienne Godard
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