Des évangiles bien identifiés à leur auteur
Les biblistes nous laissent entendre que Matthieu, l’évangéliste, était un scribe. On retrouve dans sa construction de texte des parallèles avec l’écriture rabbinique qui imprégnait le corpus des écrits dans la société savante dans laquelle il a grandi. On voit la construction du chapitre cinq sur les béatitudes. Les parallèles qui sont faits avec Moïse. Jésus qui donne son enseignement sur la montagne, les béatitudes qui sont mises en parallèle avec le don des dix commandements par Moïse. Précédemment, chez Matthieu, après la naissance de Jésus, le récit décrit la fuite de Joseph, Marie et l’enfant en Égypte. Puis leurs retours en terres juives une fois la menace du roi Hérode disparu, à qui les rois Mages étaient venus demander où se trouvait le roi des Juifs. Une histoire qui nous rappelle la fuite des juifs d’Égypte dans le désert du Sinaï. Aucun autre évangéliste ne mentionne cette fuite. Elle est particulière à Matthieu. Il est important de noter cette trame narrative particulière de l’évangéliste Matthieu. Il faut garder à l’esprit que ces constructions littéraires que sont les évangiles portent l’empreinte de leur rédacteur.
Les Béatitudes: un portrait de ce que sera la vie de Jésus
À qui s’adresse le Nazaréen dans ce discours sur la montagne? Matthieu nous parle d’une foule qui suit Jésus. Qui sont ces gens? Toute la bible nous le dit: les sujets du discours des prophètes sont les laissés pour compte de la société dans laquelle ils vivent Georges Convert l’écrit dans son commentaire (relaismontroyal.org). « Les foules sont composées de malades, de gens qui souffrent, de pauvres gens. La Galilée est occupée par Rome depuis près d’un siècle. Les impôts sont lourds, les soldats romains humilient le fier peuple de Dieu. » Le texte des béatitudes mentionne qui sont les destinataires de cet appel de Jésus sur la montagne: les pauvres de souffle, les doux, les miséricordieux, les artisans de paix… Nous les avons sous nos yeux. Si l’on met ensemble toutes ces caractéristiques, nous pouvons construire un portrait de Jésus qui est assez ressemblant à celui que nous tissent les évangiles.
Un appel à être en marche
Georges écrit « Jésus n’a pas l’impudeur de dire à ces pauvres qu’ils sont heureux d’être pauvres. » S’il y a un facteur positif à leur statut, c’est que celui-ci les a amenés à se mettre à l’écoute de la parole, de sa Parole. André Chouraqui a traduit le texte de la Bible. Dans le texte des Béatitudes de Matthieu, il a remplacé le mot bonheur par « en marche ». C’est sous cette définition que le commentaire de Georges s’est articulé. Ainsi, si l’on remplace « heureux » par le terme « en marche » dans ce texte, il me semble que l’intention du discours se fait plus perceptible. Être en marche ne définit pas un état, mais une action. Cela donne un dynamisme aux béatitudes. C’est affirmer que ces personnes qui se sont mises à marcher à la suite de Jésus, qui se sont mises à son écoute, se sont mises en marche vers le Royaume.
Les Béatitudes s’adressent-elles toujours à nous? Je ne m’identifie pas beaucoup à ces foules désoeuvrées de Galilée dont nous parlent le texte de l’évangéliste Matthieu. En remplaçant le terme heureux dans les Béatitudes par en marche, comme André Chouraqui nous le propose, il est plus facile de s’approprier les Béatitudes aujourd’hui. Se mettre en marche, c’est affirmer notre désir de changer, de sortir de la mortification, de faire téchouva comme le demande la tradition juive, faire métanoïa disent les chrétiens, changer de regard, revenir vers la vie, vers Dieu. Sur le site de Regards protestant, j’ai entendu un discours du révérend Antoine Nouia. S’adressant aux chrétiens du troisième millénaire, le révérend Nouia nous propose une lecture des Béatitudes. Pour lui, Jésus y déconstruit ce qui est vu comme le bonheur dans notre société: la quête de plaisir éphémère, l’accumulation de bien et de richesse, la recherche de pouvoir, le désir éperdu de recevoir des autres une confirmation de soi. Alors que ce à quoi nous invitent ceux et celles qui sont en marche dans les béatitudes c’est de sortir de ces sillons profondément tracés dans notre société pour se diriger vers d’autres chemins. Des chemins qui nous parlent de pauvreté du cœur, de compassion, de miséricorde, de justice, de sobriété et de partage…
Étienne Godard
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