La transfiguration: une symbolique omniprésente
La montagne
Cette semaine, pour la 2e semaine du carême, l’évangile que la liturgie nous propose est le texte de Matthieu 17,1-9. À ce texte, la tradition a donné le nom de la transfiguration de Jésus. Avec Pierre, Jacques et Jean, son frère, qui sont ses premiers disciples, Jésus montent sur une haute montagne. À l’écart, précise le texte. Dans la Bible, être sur une montagne signifie se faire proche de Dieu. Dieu était vu comme habitant dans les cieux. On se souviendra que Moïse avait gravi la montagne dans le désert, pendant l’Exode, pour aller à Sa rencontre. Se mettre à l’écart : nous retrouvons cette expression dans les évangiles. On dit que Jésus se met à l’écart pour se mettre en prière, pour parler avec son père. Nous pourrions dire que Jésus amène ses disciples les plus proches à aller à la rencontre d’un autre aspect de sa réalité. Nous ne sommes plus dans le même univers. L’ascension de la montagne va sortir les lecteurs du récit narratif qui précède.
La nuée et la tente
L’évocation de la nuée est aussi une référence à la Bible juive, ce que nous les chrétiens appelons l’Ancien Testament. Dans le désert, pendant l’Exode, les textes vont faire référence à la nuée pour la première fois! Souvent, c’est cette nuée qui va guider les tribus juives dans l’étendue désertique du Sinaï. Cette nuée, c’était une allusion à Dieu. Chez les Juifs, il était interdit de faire une quelconque repré-sentation de Dieu. Les tentes sont aussi tirées de la tradition juive. Il existe une fête importante dans le calendrier juif, la fête des Tentes. Cette fête rappelle le temps où les juifs étaient au désert. Elle rappelle un temps où la présence de Dieu se faisait particulièrement sensible. Après la rencontre de Dieu sur la montagne par Moïse, une tente va symboliser la présence de Dieu. Selon les textes, c’est dans cette tente que l’on va retrouver l’Arche de l’Alliance. C’est dans cette tente que va résider la nuée, Dieu. Cette tente est un lieu de rencontre, un lieu d’échange entre Dieu et les humains. Comme le sera plus tard le Temple de Jérusalem. Peut-être faut-il lire ainsi les paroles que Pierre prononce à Jésus au verset 4. « Si tu veux, je ferai ici trois tentes: une pour toi, une pour Moïse et une pour Élie ». Trois tentes pour trois fils de lumière!
Cet épisode recèle de nombreuses références au Premier Testament (Ancien Testament). Matthieu, qui était un scribe, un spécialiste des écritures juives, déploie ici tout son talent pour bien établir que Jésus s’inscrit dans la grande histoire religieuse juive. On a recensé plus haut les références à la montagne (proximité de Dieu), la nuée et les tentes, que l’on retrouve dans le récit de l’Exode. La fête des Tentes est une des trois grandes fêtes religieuses juives. Il ne faut pas oublier la présence des deux grands prophètes que sont Moïse et Élie.
Au chapitre précédent, quand Jésus annonce sa Passion, Pierre est outragé et s’exclame : « Dieu t’en préserve ! Non, cela ne t’arrivera pas ! » (16,22). Cet épisode sur la montagne, à laquelle Pierre a été invité à participer, comme Jacques et Jean, peut nous sembler une mise en scène pour convaincre ses disciples de sa mission. Malgré tout, visiblement, les disciples semblent rester dans l’interrogation. On lit bien au verset cinq et six que la nuée les couvre de son ombre pour affirmer; «Ceci est mon Fils ». Dieu ne s’est jamais montré aussi près d’eux dans tout l’Évangile. La nuée, dans la Bible, c’est l’expression de la présence de Dieu, je dirais même, de Dieu lui-même !
La transfiguration pour montrer l’invisible
Dans notre échange hier soir au Relais, après la lecture de l’évangile et le temps de prière, nous avons fait référence à voir l’invisible. Cet évangile de la transfiguration nous présente la projection d’une réalité spirituelle. La démonstration d’un chemin parcouru par les disciples qui suivent Jésus en son temps tout comme les croyants qui le suivent aujourd’hui. D’une étape à l’autre, notre espérance qui guide notre foi rencontre des illuminations qui projettent du sens dans les gestes que nous posons, les rencontres que nous faisons, dans nos temps de prières et de lecture, nos temps de communion qui marquent notre cheminement. Cet épisode suit le chapitre seize de Matthieu où Pierre déclare que Jésus est bien le messie pour eux et que Jésus annonce la venue de sa Passion et de sa mort, puis de sa résurrection. Cette révélation du Maître a dû susciter une commotion chez ses disciples. Aujourd’hui encore cette annonce suscite beaucoup de mystère et d’interrogation. Cet épisode de la transfiguration cherche à laisser voir cet invisible qui secoue la communauté croyante. Jésus lui demande de faire un grand saut dans son expérience de disciple, dans son expérience de la parole entendue depuis tant de générations. Ces disciples sont, au même titre que nous, appelés à une métamorphose. Jésus, conscient de l’épreuve colossale qu’il leur demande, « s’approcha, les toucha et leur dit: Relevez-vous et soyez sans crainte !»
Pourquoi Jésus a-t-il choisi Pierre, Jacques et Jean pour l’accompagner? Les trois apôtres qui font avec Jésus cette rencontre mystique de Dieu seront aussi ceux qui seront témoins de son agonie (cf. Mc 14,32-33). La communion avec Dieu ne supprime pas l’épreuve. (…) Mais elle en assure le terme: c’est l’amour qui sera finalement vainqueur du mal. C’est cette certitude de l’amour victorieux qui déjà fait rayonner le visage de Jésus. Cette expérience faite par les 3 apôtres vaut-elle pour les disciples d’aujourd’hui? Il appartient à chacun des disciples de Jésus de se poser chaque jour la question: «Aujourd’hui ai-je accueilli le pardon d’amour de mon Père? Et qu’en ai-je fait? Ai-je vécu de cette certitude que Dieu peut tout accomplir en moi, de cette espérance qu’Il peut changer mon cœur de pierre pour un cœur de chair? Pour le prochain que j’ai rencontré aujourd’hui, ai-je vécu le pardon (dont Dieu m’a fait le témoin) comme étant plus fort que le mal, plus fort que l’égoïsme et l’injustice, plus fort que la méchanceté, la vengeance et la haine? Aujourd’hui, ai-je écouté le Père à travers Jésus son bien-aimé? Pourrais-je entendre Dieu me dire que je suis le bien-aimé en qui Il trouve sa joie?».
Georges Convert
Étienne Godard
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