Évangile du dimanche 20 mai 2018

Fête de la Pentecôte (année B), selon l’écrit de Jean (15, 26-27 ; 16, 7. 12-15)

Du pain sur la table

À l’heure où il va quitter ce monde pour aller vers le Père, Jésus dit à ses disciples:

26 Quand viendra le Paraclet que moi, je vous enverrai d’auprès du Père,
l’Esprit de vérité qui vient d’auprès du Père,
celui-là témoignera à mon sujet.

27 Et vous, vous êtes témoins parce que vous êtes avec moi depuis le commencement.

7 Il est avantageux pour vous que je parte.
Si je ne pars pas, le Paraclet ne viendra pas vers vous;
si je pars, je vous l’enverrai.

12 J’ai encore beaucoup à vous dire mais vous ne pouvez pas le porter maintenant.

13 Quand Il viendra, lui l’Inspirateur de la vérité,
il vous fera cheminer dans la plénitude de la vérité.
Il ne parlera pas de lui-même mais il parlera de tout ce qu’il écoutera
et il vous interprétera ce qui est à venir.
Lui, il me glorifiera car il recevra de ce qui est à moi et il vous l’interprétera.

14 Tout ce que le Père a, est mien

15 et c’est pourquoi j’ai dit qu’il recevra de ce qui est à moi
et qu’il vous l’interprétera.

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Le commentaire du pain sur la table,

par Georges Convert.

Confidences pleines de réconfort pour les disciples
où Jésus dit comment il va demeurer présent par-delà son départ vers le Père.
Comment comprendre toutes ces interventions du Paraclet?
Quel est-il? Et que signifie ce nom?

La place de ce texte dans le récit de Jean
Il s’inscrit dans le long monologue de Jésus à l’intérieur du Dernier Repas.
Ce sont les adieux du Maître à ceux qu’il a guidés dans la connaissance du Père.
Le chapitre 15 s’est ouvert par la parabole de la Vigne
qui illustre l’intime communion de Jésus et de ses envoyés.
Cette communion est essentiellement enracinée dans la totale communication
que Jésus leur fait de qu’il sait du Père: Je vous appelle amis
car tout ce que j’ai écouté auprès de mon Père, je vous l’ai fait connaître
(Jn 15,15).
Mais cette communication va-t-elle cesser en raison du départ du Maître?
Voilà ce à quoi notre texte veut répondre.

Le Paraclet
Pour illustrer comment il sera présent après son départ, Jésus prend l’image du Paraclet.
Ce mot se retrouve quatre fois dans les chapitres 14 à 16:
Moi, je prierai le Père: il vous donnera un autre Paraclet
qui restera avec vous pour toujours.
Le Paraclet, l’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom,
vous enseignera toutes choses
et vous fera ressouvenir de tout ce que je vous ai dit
(14,16 et 26).
Lorsque viendra le Paraclet que je vous enverrai d’auprès du Père,
l’Esprit de vérité qui procède du Père, il rendra lui-même témoignage de moi
(15,26).
Cependant je vous ai dit la vérité: c’est votre avantage que je m’en aille;
en effet, si je ne pars pas, le Paraclet ne viendra pas à vous;
si, au contraire, je pars, je vous l’enverrai
(16,7).
Comment traduire ce mot: Paraclet?
C’est un mot grec qui vient du verbe « appeler »
et qui désigne celui qui est appelé pour venir à côté de quelqu’un:
ce peut être un assistant pour vous aider, un avocat pour parler en votre faveur,
un interprète pour traduire votre pensée.
Dans ces passages de Jean, il semble que Jésus parle de l’Esprit comme du paraclet
des synagogues juives qui avait pour rôle d’interpréter Parole de Dieu.
Il faut se souvenir qu’à l’époque l’enseignement se fait uniquement oralement.
Les livres sont très rares.
Les livres-rouleaux se trouvent à la synagogue, la maison de prière des Juifs.
De plus, dans ces livres-rouleaux de la Bible, seulement les consonnes sont écrites.
Pour lire des passages de la Tora ou des prophètes, il faut donc savoir par coeur
ce que le livre dit afin de pouvoir mettre les bonnes voyelles entre les consonnes.
Ce n’est que plus tard qu’on ajoutera les voyelles en dessous des lignes.
On se transmet ce savoir sur les Écritures Saintes de génération en génération.
Aujourd’hui, l’instruction se communique surtout par les écrits (livres et ordinateurs);
au temps de Jésus c’est par l’écoute d’un maître qu’on apprend
et il faut mémoriser ce qu’il dit oralement.
On peut penser à la façon dont se fait aujourd’hui la transmission des chansons.
Peu de gens lisent les paroles de ces chansons;
cependant on les connait parce qu’on les écoute et surtout parce qu’on les chante:
en effet, la musique nous aide à retenir les paroles.
D’autre part, comme les Livres saints sont écrits en hébreu,
et que peu de monde connaît cette langue puisqu’on parle l’araméen,
on a besoin d’avoir un traducteur, un interprète de l’hébreu à l’araméen: un paraclet.
En araméen on appelle cet interprète le methurgeman,
mais sous l’influence de la langue grecque on le nomme aussi paraklita.
Il est intéressant de voir que dans nos écrits évangéliques le mot est passé sans être traduit,
aussi bien en latin (paraclitus) qu’en français (paraclet).

Les lieux de transmission du savoir.
Au temps de Jésus, plusieurs lieux se partagent l’apprentissage de la Parole de Dieu.
Le premier est la maison familiale.
Le père de famille a la tâche de transmettre la Parole sacrée de la Bible.
Il transmet ce que son propre père lui a enseigné.
On est père, pas seulement parce qu’on a engendré physiquement
mais parce qu’on engendre au plan du savoir, au plan des connaissances.
Ainsi c’est le plus souvent le père qui apprend le métier à son fils.
Par exemple, on est charpentier de père en fils.
Mais surtout le père transmet une sagesse de vie et la tradition sur Dieu.
Prenons bien conscience de cela:
alors, on ne peut pas apprendre par soi-même (au moyen de livres, de cassettes);
il faut avoir recours à quelqu’un qui transmet ce qu’il sait,
et il faudra garder toutes ces connaissances dans sa mémoire,
car on ne peut pas consulter des notes écrites pour réviser ce qu’on a compris.
On ne sait vraiment que ce qu’on a com-pris, c’est-à-dire pris en soi-même.
Le père est donc le premier pédagogue, le transmetteur du savoir et de la sagesse.
Quel lien merveilleux doit alors lier le fils à son père?
On comprend la force de cette communion entre père et fils par ce dicton:
Personne ne connaît vraiment le père sinon son fils.
Et personne ne connaît le fils sinon son père.

Cette expérience d’apprentissage à l’écoute de Joseph aura sans doute été,
pour Jésus, un symbole d’un autre apprentissage à l’écoute du Père des cieux.
Lorsque nous entendons Jésus dire: ma nourriture est de faire la volonté du Père,
il ne faut pas comprendre que Jésus est un simple exécutant des volontés divines.
Le mot obéissance veut dire « écoute » et obéir, c’est être à l’écoute.
Cette obéissance de Jésus est une manière d’aller à la source du savoir
en étant à l’écoute du Père Divin, Créateur de l’univers.
Pour Jésus, le Père premier est Dieu.
Tous les autres pères ne sont que des relais de cette unique paternité (Mt 23,9):
N’appelez personne sur terre votre père; vous n’en avez qu’un seul, le Père céleste.
Quel était le rôle de la mère dans cet apprentissage de la connaissance?
Marcel Jousse la voit comme la répétitrice de ce qui a été transmis.
Elle berce son enfant au son des paroles bibliques, comme nos mères nous bercent
en chantant les comptines du folklore, chansons dont nous allons conserver,
dans la mémoire, les paroles… jusqu’à l’heure de notre mort.
Alors que le jésuite François-Xavier se mourait, en Chine,
le jeune chinois qui l’assistait a surpris sur ses lèvres des paroles étranges:
c’était le parler de son patois maternel.

L’évangile nous dit que, sur la croix, Jésus a poussé son dernier cri en araméen,
sa langue maternelle: Éloï! Eloï! lama sabactani!
La langue de notre enfance, nous l’appelons d’ailleurs notre langue « maternelle »
et cela est symptomatique du rôle de la mère dans l’apprentissage du savoir.
On sait aussi que, dans la culture juive, la mère est celle qui aide l’enfant
à s’approprier la Tora pour en faire concrètement sa règle de conduite.
La mère est donc comme un paraclet qui aide à mémoriser ce qu’on a appris,
mais pour l’expliciter, l’interpréter, et l’intérioriser.

Mais cet apprentissage de la Tora ne s’arrête pas à la vie familiale.
Quand l’enfant a grandi, c’est souvent le ministre de la synagogue
qui remplace le père de famille pour compléter l’apprentissage de la Tora.
Le maître qui va enseigner la Tora, la grande Règle de vie donnée par Dieu à Moïse,
ce maître est considéré comme un père, comme le dit si bien un texte juif:
«Qui fait apprendre les leçons de la Tora au fils de son prochain,
cela lui est compté comme s’il l’avait engendré.»

Puis, chaque sabbat, la liturgie permettra de faire mémoire d’un passage de la Bible.
On écoute le texte en hébreu et aussitôt après on écoute sa traduction,
son interprétation en araméen… au double sens du mot interpréter:
traduire en une autre langue et donner le sens de ce qui est dit.
L’interprétation est à la fois traduction et explication.
Celui qui fait ainsi l’interprète est appelé paraclet.
Mais il ne suffit pas d’écouter et d’apprendre: il faut comprendre.
«L’Abba (ou rabbi) assis dans sa chaire professorale improvise,
en hébreu et à voix basse, son explication.
Le paraclet debout se penche vers lui pour entendre chaque formule
chuchotée à son oreille. Alors le paraclet répète à haute voix en araméen»

(Marcel Joussse, Le parlant, la parole et le souffle, Gallimard 1978, p. 247).
On a peut-être dans cette coutume l’explication d’une phrase de Jésus (Mt 10,27):
Ce que vous entendez dans le creux de l’oreille, proclamez-le sur les terrasses.
À cette époque on ne fait pas référence à ce qui est écrit dans un livre
mais on fait référence à ce qu’a dit l’enseigneur.
La coutume juive, pour le maître, est de donner l’origine de son interprétation:
«Comme l’a dit Rabbi Untel», est la formule consacrée.
Or Jésus n’enseigne pas au nom d’un autre rabbi,
mais il enseigne directement au nom de son Père qui est Dieu.
Il les enseignait en homme qui a autorité et non pas comme leurs scribes (Mt 7,29).
Jésus se présente comme le porte-parole du Père, son Paraclet:
Je n’ai pas parlé de moi-même,
mais le Père qui m’a envoyé m’a prescrit ce que j’ai à dire et à déclarer
(Jn 12,49).
Ne crois-tu pas que je suis dans le Père et que le Père est en moi?
Les paroles que je vous dis, je ne les dis pas de moi-même.
C’est le Père qui, demeurant en moi, accomplit ses propres oeuvres
(Jn 14,10).
Cette parole que vous entendez, elle n’est pas de moi
mais du Père qui m’a envoyé
(Jn 14,24).

Il est avantageux pour vous que je parte.
Si je ne pars pas, le Paraclet ne viendra pas vers vous…

Et lorsque vient l’heure de son départ,
Jésus promet à ses disciples un autre maître, un autre paraclet:
ce sera l’Inspirateur divin, l’Esprit de vérité,
qui sera pour eux l’interprète de la volonté du Père.
Le travail fait par Jésus auprès des siens, c’est le Paraclet qui l’achèvera:
Mon père l’enverra pour qu’il parle en mon nom.
L’Esprit, l’Inspirateur, est donc lui aussi un envoyé.
Dans un milieu de tradition orale, quand on a un message à transmettre,
on n’envoie pas une lettre, un écrit, une missive, mais on dépêche un envoyé.
Le porte-parole n’est pas une lettre -morte- mais un répétiteur vivant.
Le Paraclet sera la mémoire vivante de Jésus, celui qui va interpréter son message
pour que celui-ci ne se fige pas et ne devienne sans vie: lettre morte.
L’Esprit-paraclet vient redire l’Évangile et nous donner la force d’en vivre
pour devenir fils, fille du Père.
J’ai encore beaucoup à vous dire mais vous ne pouvez pas le porter maintenant.
L’Inspirateur de la vérité ne parlera pas de lui-même
mais il parlera de tout ce qu’il écoutera et il vous interprétera ce qui est à venir.

Comment comprendre ces phrases?
Faut-il imaginer que Jésus pense ici aux dogmes
qui expliciteront son message au cours des siècles?
Il faut sans doute chercher moins loin
et regarder d’autres phrases de Jésus qui peuvent expliciter sa pensée.
Lorsqu’il lave les pieds de Pierre, Jésus lui répond (Jn 13,7):
Ce que je fais, tu ne peux le savoir à présent, mais par la suite tu comprendras.
À cette heure, Pierre ne peut comprendre le sens de la mort de Jésus (Jn 13,36-38):
Un peu plus tard, Simon-Pierre lui dit: «Seigneur, où vas-tu?»
Jésus lui répond: «Là où je vais, tu ne peux me suivre maintenant, mais tu me suivras plus tard
«Seigneur, lui répond Pierre, pourquoi ne puis-je te suivre tout de suite?
Je me dessaisirai de ma vie pour toi!»
Jésus répond: «Te dessaisir de ta vie pour moi!
Amen, je te le dis, trois fois tu m’auras renié avant qu’un coq ne se mette à chanter.»

Il faudra attendre le matin de Pâques et la résurrection
pour que le sens que Jésus donne à sa mort puisse être compris.
Le récit de Luc ne cessera de dire que le Ressuscité s’efforce
d’ouvrir l’intelligence des disciples
afin qu’ils comprennent ce qui concerne la passion du Christ dans les Écritures:
« coeurs sans intelligence, lents à croire à tout ce qu’ont annoncé les Prophètes!
Ne fallait-il pas que le Christ endurât ces souffrances pour entrer dans sa gloire?»
Et, commençant par Moïse et parcourant tous les Prophètes,
il leur interpréte dans toutes les Ecritures ce qui le concernait
(Lc 24,25-27).
Il n’est pas naturel à l’humain de percevoir la souffrance
comme le chemin qui mène à l’amour vrai.
Pour entrer dans la plénitude de l’amour -l’amour-agapè qui est bonté toute gratuite-,
il faut croire à la force du pardon
qui permet à l’amour de survivre aux infidélités et aux trahisons.
Il n’y pas de fidélité, dans l’amitié comme dans l’amour conjugal ou famililal,
sans passage par le pardon.
Jésus a continué à aimer Pierre qui le reniait, Judas qui le trahissait
et les autres disciples qui l’abandonnaient.
Il a maintenu son coeur en état d’amour malgré la haine de ceux qui voulaient le tuer.
Cela a eu comme prix la souffrance de la mort sur la croix.
Le sens de cette mort de Jésus sur la croix ne pouvait être porté
par les disciples avant la résurrection.
De fait, même à l’approche de la passion, les disciples ne parviennent pas
à se mettre à l’unisson de leur maître.
Évoquons la demande des fils de Zébédée
alors que Jésus annonce sa prochaine arrestation:
«Maître, accorde-nous de siéger, l’un à ta droite et l’autre à ta gauche, dans ta gloire.»
Jésus leur dit: «Vous ne savez pas ce que vous demandez.
Pouvez-vous boire la coupe que je vais boire
et être baptisés du baptême dont je vais être baptisé?»
Les dix autres, qui avaient entendu, se mirent à s’indigner contre Jacques et Jean.
Les ayant appelés près de lui, Jésus leur dit:
«Vous savez que ceux qu’on regarde comme les chefs des nations dominent sur elles
en maîtres et que les grands leur font sentir leur pouvoir.
Il ne doit pas en être ainsi parmi vous:
au contraire, celui qui voudra devenir grand parmi vous, sera votre serviteur,
et celui qui voudra être le premier parmi vous, sera l’esclave de tous»
(Mc 10,36-44).
C’est une même incompréhension qui se traduit lors du Dernier Repas
alors que Jésus vient de confier qu’un des leurs va le trahir (Lc 22,24-27):
Il s’éleve entre eux une contestation: lequel d’entre eux pouvait être tenu pour le plus grand?
Jésus leur dit: «Les rois des nations dominent sur eux,
et ceux qui exercent le pouvoir sur eux se font appeler Bienfaiteurs.
Mais pour vous, il n’en va pas ainsi.
Au contraire, que le plus grand parmi vous se comporte comme le plus jeune,
et celui qui gouverne comme celui qui sert.
Quel est en effet le plus grand, celui qui est à table ou celui qui sert?
N’est-ce pas celui qui est à table? Et moi, je suis au milieu
de vous comme celui qui sert!

Pour changer cette incompréhension, il faudra toute la pédagogie de l’Esprit du Ressuscité
qui établira les disciples sur la longueur d’onde de leur Maître,
et qui leur donnera la force spirituelle de porter eux aussi la croix:
Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il se renie lui-même,
qu’il se charge de sa croix, et qu’il me suive
(Mt 16,24).

Quelle expérience pouvons-nous faire aujourd’hui du Paraclet?
Dans les communautés chrétiennes qu’il a fondées,
Paul aura besoin de toute l’aide de l’Esprit pour faire comprendre
pourquoi le Crucifié est le messie attendu par le peuple de Dieu.
Alors que les Juifs demandent des signes et que les Grecs sont en quête de sagesse,
nous proclamons, nous, un Christ crucifié,
scandale pour les Juifs et folie pour les païens…
Aussi bien, frères, considérez votre appel: il n’y a pas beaucoup de sages selon la chair,
pas beaucoup de puissants, pas beaucoup de gens bien nés.
Mais ce qu’il y a de fou dans le monde,
voilà ce que Dieu a choisi pour confondre les sages;
ce qu’il y a de faible dans le monde,
voilà ce que Dieu a choisi pour confondre ce qui est fort;
ce qui dans le monde est sans naissance et ce que l’on méprise,
voilà ce que Dieu a choisi; ce qui n’est pas, pour réduire à rien ce qui est…
Frères, je ne suis pas venu vous annoncer le mystère de Dieu
avec le prestige de la parole ou de la sagesse.
Non, je n’ai rien voulu savoir parmi vous, sinon Jésus Christ, et Jésus Christ crucifié.
Moi-même, je me suis présenté à vous faible, craintif et tout tremblant,
ma parole et mon message n’avaient rien des discours persuasifs de la sagesse;
c’était une démonstration d’Esprit et de puissance, pour que votre foi reposât,
non sur la sagesse des hommes, mais sur la puissance de Dieu
(1Co 1,22-2,5).
Tout au long de l’histoire, les disciples du Crucifié aurons besoin de l’Esprit-interprète
pour continuer à croire en la force de l’amour humble et pauvre
qui seul peut sauver le monde de toutes les fausses puissances.
La tentation des disciples et de l’Église sera de chercher la puissance et la richesse.
De vouloir convaincre de l’Évangile par les procédés du monde:
la crainte de Dieu et le prestige de ses représentants.
Nos assemblées sont-elles accueillantes aux petits, aux pauvres, aux marginaux?
Nos lieux d’Église sont-ils des témoins d’une Église servante et pauvre?
Dom Fragoso, un évêque brésilien, écrivait dans Évangile et révolution sociale:
«Si nous avons foi dans le Christ et dans son Évangile,
nous devons organiser notre vie sociale, politique, économique,
en accord avec cette foi dans la dignité foncière du petit, du faible, du pauvre.
Le chrétien doit s’engager dans la lutte pour la libération des frères du Christ,
pour leur libération de la faim, de la maladie, de la misère, de l’oppression.
Religieux, religieuses, aurons-nous le courage d’aller
jusqu’à nous libérer de la propriété de nos collèges,
pour être simplement au service d’une pastorale de l’éducation?
Notre liturgie et notre messe pourraient même constituer une prédication de l’athéisme
si nous demeurions indifférents aux exigences de la justice sociale»
(Cerf 1969, p. 21).
Il appartient à chaque disciple d’être le porte-parole du Paraclet
pour que la communauté tout entière soit fidèle à son Maître.
Avons-nous encore de la place, dans nos assemblées,
pour que cette quête de la vérité soit le fruit de tous.
Y a-t-il encore place pour des paraclets, autres que le président,
comme cela avait cours à la synagogue et dans la primitive Église?
Le jour du sabbat, Paul et Barnabé entrèrent à la synagogue et s’assirent.
Après la lecture de la Tora et des Prophètes,
les chefs de la synagogue leur envoyèrent dire:
«Frères, si vous avez quelque parole d’interprétation à dire au peuple, parlez.»
Paul alors se leva, fit signe de la main et dit:
«Hommes d’Israël, et vous qui craignez Dieu, écoutez…»
(Ac 13,14-16).

Quand Il viendra, lui l’Inspirateur de la vérité,
il vous fera cheminer dans la plénitude de la vérité.

Quelle est cette plénitude de la vérité?
Sinon celle de connaître -dans la profondeur la plus intime de notre être-
ce Père qui n’est qu’Amour et qui s’est révélé dans la mort d’amour du Fils bien-aimé, le Crucifié.
C’est l’Esprit qui fait saisir au disciple que, sur la croix,
Jésus l’a aimé et s’est livré pour lui (cf Ga 2,20).
Si tel est l’amour du Fils, tel est aussi l’amour du Père.
Dès lors, l’unique vérité qui doit me faire vivre est cette certitude d’être aimé de Dieu.
De cette certitude qui me permettra de passer sans crainte de ce monde au Père,
et qui m’est donnée par l’Esprit qui fait crier: Abba! (cf Ga 4,6).
« Père, merci de m’aimer! Et ce n’est pas moi qui vous crierai que je suis indigne!
En tout cas, m’aimer, moi, tel que je suis, voilà qui est digne de vous,
digne de l’amour essentiel, digne de l’amour essentiellement gratuit!
Oh! cette pensée m’enchante!
Me voilà bien à l’abri des scrupules, de la fausse humilité, décourageante,
de la tristesse spirituelle. On pense d’ordinaire trop à soi et pas assez à lui.
Il y a de malheureux théologiens qui ont peur de faire Dieu trop bon.
Il est bon, mais il n’est pas faible, disent-ils…
Faible par amour! Comme mon Père en est plus grand et plus beau!
La croix me donne raison»
(A. Valensin, La joie dans la foi, Aubier 1955, p. 106)

Georges Convert

 

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