Évangile du dimanche 5 juin 2016

Évangile du 10e dimanche du temps ordinaire (année C), selon le récit de Luc (7, 11-17)

Du pain sur la table

11 Par la suite, voici que [Jésus] se rend dans une ville appelée Naïm.
Font route avec lui ses disciples et une foule nombreuse.

12 Lorsqu’il approche de la porte de la ville,
voici qu’on porte en terre un mort,
un fils unique de sa mère –qui est veuve.
Une foule importante de gens de la ville est avec elle.

13 En la voyant, le Seigneur est remué jusqu’aux entrailles pour elle.
Il lui dit: Ne pleure plus!

14 S’étant approché, il touche la civière; les porteurs s’arrêtent.
Il dit: Jeune homme, je te dis: Lève-toi!

15 Alors le mort se dresse sur son séant et il se met à parler.
[Jésus] le donne à sa mère.

16 Un frémissement sacré les saisit tous!
Ils glorifient Dieu en disant:
«Un grand prophète s’est levé parmi nous!»
et «Dieu a visité son peuple!».

17 Cette parole se répand dans toute la Judée à son sujet
et dans tout le pays alentour.


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Le commentaire du pain sur la table,

par Georges Convert.

Cet épisode prend place dans la deuxième section du récit de Luc
qui va du chapitre 5 au chapitre 9, verset 17.
Luc y raconte
comment Jésus, après avoir choisi ses collaborateurs (cf 6,12-16),
parcourt son pays en annonçant son message de bonheur (cf 6,20-38).
Dieu, qu’il appelle toujours Père, souhaite
que tout être humain, quel qu’il soit, trouve le chemin du bonheur.
L’épisode qui précède montre l’admiration de Jésus
pour la confiance en Dieu qu’a témoignée un officier païen,
centurion de l’armée romaine:
une confiance qui verra la guérison de son serviteur (cf 7,1-10).
Un autre épisode montrera
comment une pécheresse notoire est capable de plus d’amour
qu’un pieux Pharisien
parce qu’elle a accueilli le pardon de Dieu (cf 7,36-50).
Tout être humain, Juif ou païen, pieux pratiquant ou pécheur,
est capable de trouver le chemin du bonheur
s’il met sa confiance en Dieu-Père.

Cette attitude de Jésus semble déconcerter Jean le Baptiste.
Le roi Hérode l’avait fait enfermer
parce qu’il n’avait pas supporté les critiques du Baptiste
sur sa conduite (cf 3,19-20).
De sa prison, Jean envoie deux de ses disciples demander à Jésus
s’il est bien le messie que l’on attend (cf. 7,18-20).
En effet, Jean avait désigné Jésus comme le messie
qui devait remettre de l’ordre dans les mœurs,
en invitant chacun à changer de vie
afin d’éviter le châtiment de Dieu.
Ce qu’il entend dire de Jésus ne semble pas correspondre
à cette figure du messie qu’il espérait.

Jésus fera cette réponse:
Allez et racontez à Jean
ce que vous avez vu et entendu:
les aveugles retrouvent la vue,
les paralytiques marchent,
les lépreux sont rendus purs
et les sourds entendent,
les morts se relèvent,
les pauvres reçoivent un message de bonheur. (Lc 7,22)

Ces paroles évoquent des passages du livre d’Isaïe
qui décrivaient un messie miséricordieux:
Alors se dessilleront les yeux des aveugles,
et les oreilles des sourds s’ouvriront.
Alors le boiteux bondira comme un cerf,
et la langue du muet criera sa joie. (Is 35,5-6)
L’esprit du Seigneur-Dieu est sur moi,
car le Seigneur m’a donné l’onction;
il m’a envoyé porter un message de bonheur aux pauvres,
panser les cœurs meurtris,
annoncer aux captifs la libération
et aux prisonniers la délivrance,
proclamer une année de grâce de la part du Seigneur. (Is 61,1-2)
Tes morts se réveilleront,
leurs corps morts se relèveront. (Is 26,19)

Cette réponse invite Jean le Baptiste à se faire une autre idée du messie.
Dieu n’a pas envoyé Jésus pour châtier et punir
mais pour guérir et inviter à faire confiance en la bonté du Père divin.
C’est à la lumière de cette réponse
qu’il nous faut sans doute comprendre l’épisode de Naïm.

Voici qu’on porte en terre un mort,
un fils unique de sa mère –qui est veuve.
Un double malheur frappe cette femme.
Non seulement elle perd son unique fils
mais elle a déjà perdu son mari.
À l’époque, une femme veuve est sans ressources.
C’est l’homme qui, par son travail,
amène de quoi faire vivre sa famille.
La femme est sans droits civiques,
comme le sont les orphelins.
C’est la communauté de sa synagogue qui devra la secourir.

En la voyant, le Seigneur est remué jusqu’aux entrailles pour elle.
Cette veuve fait partie des pauvres,
de ceux à qui Jésus veut redonner espoir.
À ceux qui souffrent dans leur corps ou dans leur âme,
Jésus manifeste sa solidarité et sa compassion.
Luc n’attribue qu’une seule fois à Jésus le verbe utilisé ici:
être remué jusqu’aux entrailles.
Il l’emploie ailleurs
pour décrire la tendresse du Père de l’enfant prodigue (cf 15,20)
ou la compassion du bon Samaritain
pour le blessé gisant au bord du chemin (cf 10,33-34).
Dans le Cantique de Zacharie,
le mot traduit la «tendresse du cœur de Dieu»
qui pardonne toute faute (cf 1,78).

«Jeune homme, je te dis: Lève-toi!»
Puisant sa force dans l’amour de Dieu,
la compassion de Jésus va être porteuse de vie.
Ce geste de Jésus révèle sa mission de messie,
comme le décrivait Isaïe.
Mais le verbe employé ici est celui qui traduira plus tard
la résurrection de Jésus au matin de Pâques.
À travers cet épisode, Luc veut peut-être redire
aux disciples de Jésus de tous les temps
que Jésus est la source de leur propre résurrection:
résurrection de la mort corporelle
mais aussi de la mort spirituelle.

C’est ce que dira plus tard l’apôtre Paul
aux disciples de la communauté de Colosses:
Ensevelis avec lui [Jésus le Seigneur] dans le baptême,
avec lui encore vous avez été ressuscités
puisque vous avez cru en la force de Dieu
qui l’a ressuscité des morts.
Et vous, qui étiez morts à cause de vos fautes […],
[Dieu] vous a fait vivre avec lui, en vous faisant grâce. (Col 2,12-13)

C’est aussi ce que traduit une hymne ancienne
qui se trouve insérée dans la lettre aux Éphésiens:
Éveille-toi, toi qui dors, lève-toi d’entre les morts,
et sur toi le Christ resplendira. (Ép 5,14)

«Un grand prophète s’est levé parmi nous!»
«Dieu a visité son peuple!»
La pointe de notre épisode se trouve ici:
à travers la compassion de Jésus,
c’est Dieu lui-même qui agit au milieu des siens.
Les grands prophètes d’Israël avaient déjà annoncé
cette tendresse du cœur de Dieu
qui ne cesse jamais de vouloir notre bonheur.
Évoquons un de ces textes:
Celui qui t’a faite, c’est ton époux:
le Seigneur, le tout-puissant, c’est son nom;
le Saint d’Israël, c’est celui qui te rachète,
il s’appelle le Dieu de toute la terre.
Car, telle une femme abandonnée
et dont l’esprit est accablé,
le Seigneur t’a rappelée:
«La femme des jeunes années,
vraiment serait-elle rejetée?» a dit ton Dieu.
Un bref instant, je t’avais abandonnée,
mais sans relâche, avec tendresse, je vais te rassembler.
Dans un débordement d’irritation,
j’avais caché mon visage, un instant, loin de toi,
mais avec une amitié sans fin je te manifeste ma tendresse,
dit celui qui te rachète, le Seigneur. (Is 54,5-8)

La miséricorde et le pardon ne viennent pas nier que le mal existe
et que trop souvent nous succombons à la tentation du mal.
Jésus vivra, dans son corps et dans son cœur,
les terribles conséquences du mal.
Mais Jésus sait aussi la réalité de la bonté,
la force de la tendresse et de la générosité.
Si l’être humain a la liberté de blesser, voire de détruire, de haïr,
il connaît aussi l’amour et le pardon.
Peut-être sont-ils souvent enfouis au plus secret de son cœur!
Lui, Jésus, a vécu en plénitude l’amour d’un cœur humain.
Il a assumé le mal de la haine en sa mort sur la croix,
geste de pardon qui témoigne que l’amour est plus fort que le mal.

Dieu n’est pas absent.
Il visite à chaque instant notre monde.
Comment le voir?
Comment être sûr qu’avoir foi en la puissance de l’amour n’est pas qu’un rêve?
Ce poème de l’indien Tagore ne rejoint-il pas
ce que nous dit l’épisode de Naïm?
Je dormais et rêvais que la vie n’était que joie.
Je m’éveillais et je vis que la vie n’était que service.
Je servis et je compris que la vie était la joie.

Le plus grand service du prochain n’est-il pas
de lui manifester la tendresse que Dieu met dans notre cœur?
C’est la tendresse, celle que l’on donne et celle que l’on reçoit,
qui sauve nos vies de tout désespoir
devant notre péché et le péché du monde.
Voici un témoignage qui peut illustrer l’épisode de Naïm:
Une jeune femme voulait en finir avec la vie
qu’elle considérait comme une farce cynique.
Elle décide cependant de partir en Afghanistan
pour y soigner les maquisards.
Quelques mois plus tard, elle écrit:
«Ce que je vois ici est beau à en pleurer de joie.
La vie est tellement belle!
La vie, ce mouvement intérieur d’un cœur qui ne demande qu’à donner,
à donner encore et encore plus,
et qui éclate à nouveau d’un trop plein d’amour,
d’un au-delà trop intense.» (Stan Rougier)

C’est au cœur de notre générosité
que nous rencontrons le Seigneur.
Cette visite de Dieu n’est pas spectaculaire:
elle ne se fait pas dans les banquets et les cérémonies.
C’est dans les humbles gestes de bonté et de tendresse,
dans les gestes secrets de pardon que Dieu nous visite.
N’accueillons pas la visite de Dieu
avec des airs de «suiveux de corbillard»
mais avec des airs de ressuscités.
De jeunes soviétiques convertis disaient:
«Si l’Église nous avait dit ce qu’elle avait à nous dire,
on ne se serait pas drogués.»
L’essentiel du message du Christ n’est-il pas
que chaque humain est appelé à la joie spirituelle:
celle de vivre en fils de Dieu, invité à ressusciter.
La puissance d’amour
et de résurrection de Jésus n’est pas seulement
pour l’après-mort.
Elle veut nous envahir maintenant.
Le Christ nous appelle à nous mettre debout, aujourd’hui,
pour poser un petit geste d’espérance.

Père tu es l’Éternel miséricordieux et compatissant,
lent à la colère et riche en bonté.
Tu ne nous traites pas selon nos péchés,
Autant les cieux sont élevés au-dessus de la terre,
autant est grande ta bonté.
Comme un père a compassion de ses enfants,
Tu as compassion de ceux qui frémissent en ta présence.
Fais lever en mon cœur l’espérance du bonheur. Amen!

»»» Questions

1. Quel est le lien entre cet épisode et la réponse de jésus aux envoyés de Jean (cf Lc 7,19)?

2. Quelle expression traduit la compassion de Jésus pour la veuve qui vient de perdre son fils unique?

3. Comment Jésus sauve-t-il notre vie?

4. Comment pouvons-nous aujourd’hui témoigner que Dieu nous visite?

 

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