Pas d’eau, pas de vie
Le texte d’évangile de cette semaine est celui de la Samaritaine. L’activité se déroule autour du puits de Jacob. Jésus se fait présent là où les humains se fond présent. Là où la vie se fait abondante, souvent aux portes des villes, qui sont des lieux de marchés, d’interaction entre la ville et la campagne. Ici, dans le récit que fait l’évangéliste Jean sur la rencontre de Jésus et de la Samaritaine, nous découvrons un autre lieu important de rencontre: un puits. Dans une région désertique comme la Palestine à l’époque de Jésus, un point d’eau est un lieu de passage incontournable.
Aujourd’hui, l’eau nous parle avec beaucoup de verve. Cette importance de l’eau guide nos recherches scientifiques qui cherchent à trouver si la vie existe ou a existé à l’extérieur de notre planète bleue. Que ce soit sur la planète Mars, ou même sur des planètes à l’extérieur de notre système solaire. Pour trouver la vie, il faut d’abord trouver de l’eau; pas d’eau, pas de vie. Dans la période de grande perturbation climatique que nous vivons, l’eau nous parle beaucoup.
J’ai souvenir du film Jean de Florette, un film de Claude Berri dans les années 1980, où tout tourne autour d’une source. Dans le film suivant, Manon de Sources, qui bloque la source qui alimente la fontaine du village pour se venger de la mort de son père, c’est la commotion dans la communauté. L’eau de source symbolise naturellement la vie. Notre rapport au puits aujourd’hui s’étiole. Pour bien saisir la force du récit de la Samaritaine, il nous faut comprendre la soif des habitants pour qui leur puits est certainement leur plus grande richesse.
Une rencontre singulière
Jésus s’est assis au bord du puits. Le texte nous dit que c’était « la sixième heure, environ midi ». L’heure la plus chaude de la journée. Il est étonnant de voir la Samaritaine venir puiser de l’eau à cette heure. Elle le fait certainement pour éviter les rencontres. On apprend plus tard qu’elle a cinq maris et que l’homme avec lequel elle est actuellement n’est pas son mari. Cela doit faire jaser dans le village! C’est malgré tout à cette femme marginalisée que Jésus va révéler être porteur d’un nouveau visage de Dieu. Un Dieu qui ne sera plus adoré dans le Temple de Jérusalem, ni dans celui de la Samarie, explique Jésus, mais en esprit et en vérité dans la profondeur du cœur humain.
Une telle rencontre défiait les usages communs. D’abord, qu’un homme s’adresse à une femme seule en public. Cela ne se faisait pas au Moyen-Orient. Il faut ajouter que les Juifs et les Samaritains ne se fréquentaient pas. Georges écrit que la Samarie avait été occupée près de 700 ans plus tôt par les Assyriens. Depuis, « les Samaritains rendaient des cultes à d’autres dieux que le Dieu d’Israël. La plupart des Juifs de Judée et de Galilée refusaient de se mêler aux Samaritains parce qu’ils les considéraient comme impurs. Les Judéens assimilaient les Samaritains aux peuples païens. »
Pourtant, c’est chez ces mêmes Samaritains que Jésus amène sa troupe. À Jérusalem, il avait rencontré, de nuit, un membre important de l’autorité religieuse juive, Nicodème. En Samarie, il fait la rencontre d’une femme, selon les standards de la société juive de l’époque, peu fréquentable. Décidément, Jésus remet en question les codes sociaux et religieux. Nous sommes habitués, par la fréquentation des récits d’Évangile, de voir Jésus fréquenter la périphérie de la société juive: les publicains collecteurs d’impôt, les handicapés, les lépreux, des soldats de l’armée d’occupation romaine, des femmes considérés par des membres des autorités juives comme des prostitués, dans la réception donnée par le pharisien Simon (Lc, 7) ou dans le récit de la femme adultère. Jésus se montre encore ici un empêcheur de tourner en rond.
Une soif profonde
Autour de ce puits de Jacob, le Nazaréen nous fait découvrir la grande valeur spirituelle de l’eau. Dans un puits, ce n’est que très profondément que nous pouvons aller chercher l’eau. Nous pouvons faire un parallèle avec la Parole de Jésus. Il faut s’y plonger, vivre avec pour entrer en relation et y découvrir une source de vie. Dans son livre sur l’évangile de Jean, Xavier Léon-Dufour écrit que Jésus peut être comparé au vrai puits d’Israël1. Dans ces régions arides, un puits est un véritable phare. Georges résume ainsi la transformation de la Samaritaine en contact avec l’eau vive de la parole de Dieu:
Elle peut laisser sa cruche, car maintenant elle a découvert la source de l’eau vive: la source de Jacob n’a plus beaucoup d’importance pour elle. Celle qui n’arrivait pas à assouvir sa soif de vivre et d’exister a rencontré quelqu’un qui a mis en elle une source de vie lui donnant le vrai sens de son existence.
Georges Convert
Étienne Godard
1- Xavier-Léon Dufour, Lecture de l’évangile de Jean, édition du Seuil, 1988, t.1 page 360
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