Regards croisés

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Sous le signe du repas

L’évangéliste Marc nous propose une scène bien particulière de la vie de Jésus. Il est attablé avec des disciples en partageant un repas. Un tableau on ne peut plus expressif dont les évangiles usent souvent pour faire part de la singularité de l’enseignement de Jésus. Marc note la présence de pharisiens et de scribes, venant de Jérusalem, qui discutent avec Jésus. Ceux-ci lui font remarquer que ses disciples ne respectent pas la tradition; « Ils ne se lavent pas les mains », font-ils remarquer. Il ne faut pas interpréter cette remarque avec nos yeux d’aujourd’hui, où la santé publique nous rappelle l’importance de poser des gestes barrières pour se prémunir de la transmission de la Covid-19. On ne parle pas d’hygiène ici, mais de rituel.

Pur et impur

Pour les juifs du premier siècle, le monde se divise en deux : ce qui est pur et ce qui est impur. Le monde de l’impureté est vaste : certaines viandes sont considérées comme impures, les fruits de mer, le porc, des individus peuvent l’être aussi, comme les étrangers non-juif, les malades. On mentionne souvent les lépreux dans les évangiles. La femme qui a ses règles est impure. Je ne ferai pas la liste. Ce qui est important de garder en tête, c’est qu’il existe un ensemble de règles rituelles qu’il faut respecter dans la communauté juive du temps de Jésus. Sinon, on devient rapidement une personne infréquentable. Je pense à l’épisode où Jésus va à la rencontre de Zachée (Luc chapitre 19), qui est collecteur d’impôt, donc infréquentable. On peut aussi penser à l’épisode du bon Samaritain (Luc (10,29-37), qui n’est lui aussi pas très fréquentable, il n’est pas juif puisqu’il est originaire de la Samarie. Il fait partie des exclus de la société juive, des parias, même si c’est lui et non les juifs qui est venu à la rescousse du voyageur blessé sur la route entre Jérusalem et Jéricho.

Un appel à lever les barrières

Le texte de Marc résonne en profondeur. Il fait bouger les plaques tectoniques qui régissent la communauté humaine. Souvent, Jésus l’affirme : c’est la loi qui est faite pour l’humain et non l’humain pour la loi. J’irais plus loin, la religion est faite pour l’humain et non l’humain pour la religion. C’est un saut en avant impressionnant qu’accompli Jésus face à des membres de l’autorité religieuse juive. Il invite à cesser de mettre des murs entre les individus, enrégimentant la communauté par des rituels qui n’ont en rien le pouvoir de se rapprocher de Dieu. Le seul pouvoir qu’ils ont, c’est de hiérarchiser un monde qui dresse les uns contre les autres. Un monde qui crée des identités immuables entre le nous et les autres, entre le nous et le Tout-Autre. Au verset 18, Jésus dit « Ne savez-vous pas que rien de ce qui pénètre de l’extérieur dans l’être humain ne peut le rendre impur ». « En effet, c’est de l’intérieur, c’est du cœur des êtres humains que sortent les mauvaises intentions (…) (v.21). Pour Jésus, ce qui prime, ce ne sont pas les rituels extérieurs, mais l’intérieur de l’humain. C’est à son cœur que l’enseignement du Maître s’adresse. Il faut cesser de construire des identités que l’on enferme dans des cases séparées. Pour paraphraser Saint Paul, nous pourrions dire que nous ne sommes ni Québécois ni immigrants, ni blancs ni noir, ni autochtones, mais tous enfants de Dieu. Tous sur un pied d’égalité dans la vision que nous propose Jésus.

Jésus va considérer ces Traditions comme des règles édictées par des humains qui ne doivent pas être considérées à égalité avec les préceptes de Dieu. Le prophète Osée écrit une phrase, qui est reprise par Jésus (…) (Mt 9,13; 12,7):C’est la miséricorde que je veux et non vos sacrifices. Plus tard, la lettre de Jean explicitera cette idée (1Jn 4,20): « Si quelqu’un dit: «j’aime Dieu» et qu’il n’aime pas son frère, c’est un menteur (…) » Ce qui rend impur, dit Jésus, ce sont les pensées, les gestes et les actions qui vont contre l’amour du prochain. Cela vient du cœur, c’est-à-dire de ce centre le plus intime de notre personne où intelligence et volonté décident de nos gestes.

Georges Convert

Étienne Godard

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