L’évangile de Marc est le plus court des récits évangéliques. Je suis fasciné de trouver son récit parsemé de « alors », « aussitôt », « en route », « le lendemain »… Il a une modernité dans l’évangile de Marc: sa rapidité. Ce récit s’attaque à une interrogation centrale: qui est Jésus? Elle est posée, par le maître, sur la route, en chemin. André Choquette, le prêtre qui a accompagné le Relais après le décès de Georges, avait l’habitude de dire que nous sommes « des passants respirants ». L’évangile de Marc me parle de ce mouvement. Il caractérise notre existence. Sur ce chemin, l’écoute de la parole me donne de l’oxygène. Pour me laisser nourrir par ce souffle, je dois mettre de côté mes résistances.
Qui dites-vous que je suis?
Jésus interroge ainsi ses disciples. La bande est sur le point de faire route vers Jérusalem, quittant la Galilée, berceau de la vie publique de Jésus. À cette question, Pierre répond, pour l’ensemble des hommes qui accompagne Jésus, qu’il est le Messie. Pour tout juif de l’époque, l’expression de Messie fait référence à la royauté du roi David, qui avait étendu le royaume en tenant à l’écart les étrangers par la force de son armée. Le Messie était celui qui allait restaurer la souveraineté du royaume d’Israël en se débarrassant de l’occupant romain. Mais le Dieu de Jésus n’est pas le Dieu des armées mais un Dieu désarmé.
Revisité l’image du Père
Dans ce passage de Marc, Jésus réprimande Pierre parce qu’il propage une fausse image de Dieu et, par là même, une fausse, image de son fils. Me vient à l’esprit l’aventure du prophète Élie qui, comme il est décrit dans le 1er livre des Rois au chapitre 18 et 19, après avoir massacré 400 « faux prophètes », se sauve sur le mont Horeb, lieu de révélation de Dieu a Moïse, et y rencontre un Dieu non sous la forme de la puissance du feu, ou de tremblement de terre, mais sous l’image d’une brise légère. Il aura fallu un parcours de 40 jours et de 40 nuits à Élie pour se rendre compte qu’il s’était lui aussi trompé dans l’image de Dieu et qu’il imaginait, lui aussi, à tort, Dieu, comme un Dieu de puissance. Il va falloir attendre l’arrestation et la mort de son maître sur la croix, pour que Pierre comprenne la vraie nature de Jésus. Tout au long des évangiles, nous voyons bien, selon moi, que ce fils de l’Homme s’intéresse d’abord aux personnes vivant en périphérie de la société juive pour leur affirmer qu’à eux aussi, son Père est présent.
L’amour est don de soi et donc livraison de soi jusqu’au bout, jusqu’à la mort. Souscrire à la mission d’un messie tout-puissant et vainqueur du monde par sa force, ce serait, pour Jésus, perdre sa vie, perdre son âme, renier son Père. C’est en acceptant de livrer sa vie pour dire l’amour et le pardon de Dieu que Jésus est « humainement, ce qu’est Dieu divinement de toute éternité » (ibidem). Pour Jésus, la livraison de soi à la croix est le passage obligé de son amour dans la fidélité à l’amour divin.
L’écrivain chrétien Charles Kingsley le traduisait pour lui-même… et pour nous: « Donner plutôt que prendre. Servir plutôt que régner. Nourrir plutôt que dévorer. Aider plutôt qu’assujettir. Et -au besoin- mourir plutôt que vivre. »
Georges Convert
Étienne Godard
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