Regards croisés

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La loi et l’ordre

Le texte de Marc nous dit que Jésus et ses disciples quittent la Galilée pour entrer en Judée. Jusqu’à ce moment, presque l’ensemble de la vie publique de Jésus s’est déroulée en Galilée: sa rencontre avec Jean Le Baptiste, son baptème, l’appel des disciples et tous les récits tournant autour de la maison de Pierre, qui était à Capharnaüm, sur les bords du lac de Galilée. Entrée en Judée signifie clairement se mettre sur la route de Jérusalem. Le territoire de Galilée, au nord de la Judée, a été assez accueillant à la parole de Jésus. C’est un territoire frontière, en contact avec différentes nations et traditions spirituelles. Un lieu plus éloigné des autorités religieuses juives de Jérusalem. Le maître et ses disciples vont rencontrer plus d’opposition en Judée.

De la loi au Règne

Dès qu’il entre en Judée, Jésus et ses disciples sont accueillis par des pharisiens, qui font partie de l’élite religieuse juive. Ils sont confrontés par les enseignements de Jésus. Il est demandé à Jésus s’il est possible à l’homme, le mari, de chasser sa femme. L’échange entre les pharisiens et Jésus en vient à définir ce que disait la loi de Moïse, qui faisait autorité chez les Juifs. Ces pharisiens font référence à un cadre légal, un cadre qui devait refléter le paysage de la vie familiale à l’époque. Jésus élève sa perspective en faisant référence au récit de création: « homme et femme Il les créa ». Je note ici l’importance du geste que pose Jésus. Il se met à l’extérieur de la loi des hommes qui accordait une toute-puissance aux individus mâles de la communauté. Il nous remet devant la réalité de l’égalité de l’homme et de la femme posée par la Genèse. Cette unité, qu’il attribue au Père dans son engendrement. Ce « nous » recherché est un signe d’harmonie. Il fait part d’humilité et renvoie à un microcosme de l’acceptation de l’autre. Le maître nous présente le tout, non pas comme une règle morale ou une loi à laquelle nous devons nous soumettre, mais à un idéal qui s’inscrit dans le règne à venir.

Sous nos parallèles…

Je sors du texte un instant. Il est difficile d’aborder ce récit au Québec cette semaine alors que, il y a quelques jours, nous avons eu le 15e féminicide de l’année, dans Lanaudière. Dans la société juive du premier siècle, la femme compte pour peu de choses, comme les enfants d’ailleurs, ils sont tous les deux des êtres sans droit. Il nous faut reconnaître que, pour certains, le regard à peu changé. La Palestine était sous le pouvoir de l’Empire romain. Le droit romain reconnaissait le même droit aux femmes qu’aux hommes, citoyens romains, de mettre fin à leurs vies communes. Ce texte de Marc a beaucoup été utilisé par l’Église sur la question des divorcés remariés et l’accès au sacrement. Un lourd passé sur mes épaules de chrétiens. Signe des temps dans Amoris Laetitia, le Pape François demandait aux familles chrétiennes « d’être un signe de miséricorde et de proximité là où la vie familiale ne se réalise pas parfaitement ou ne se déroule pas dans la paix et la joie. » Il offre « une invitation à la miséricorde et au discernement pastoral. »

Avant de porter ombrage à Jésus, il faut faire comme il fait: s’élever. S’élever pour observer l’espace que Jésus fait aux femmes dans l’ensemble de sa vie publique. Il accepte de manger avec des femmes autour d’une table (Luc 7), les textes d’évangile nous montrent que des femmes faisaient partie des personnes qui ont suivi Jésus. Restons dans le texte de Marc, les premières personnes qui découvrent l’absence de Jésus au tombeau sont des femmes. Les premiers disciples du Nouveau Monde sont des femmes.

« (…) la plénitude de l’‹humanitude› va se réaliser, en chaque personne, dans l’harmonie du masculin et du féminin. Ce qu’on traduit habituellement: « ce que Dieu a uni » signifie littéralement: « ce que Dieu a attelé sous le même joug » (…). Pour Jésus, cette unité correspond à la volonté de Dieu. Peut-être même pourrait-on dire qu’elle correspond à ce qu’est Dieu lui-même. La prière juive quotidienne (le Shema) s’exprime ainsi: Le Seigneur notre Dieu est le Seigneur (est) un (Dt 6,4). Dieu est unité en lui-même, harmonie, concorde; il n’est pas divisé. Dans le récit de Jean, Jésus répétera souvent ce vœu de l’unité: Moi et le Père, nous sommes un (Jn 10,30).

Georges Convert

Étienne Godard

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