Écouter! Un impératif qui transcande toute forme de relation
Dans ce texte de Marc, nous sommes invités à mettre sur le même plan, nos relations entre humains et celles que l’on entretient avec Dieu.
L’une ne va pas sans l’autre. Elles ne peuvent qu’en être le reflet l’une de l’autre. Cette corrélation, Marion Muller-Colard l’exprime bien dans son commentaire du texte de Marc: « Il ne se possède pas ton amour, Seigneur, mais il passe par nous dans la mesure ou nous le laissons passer. Il s’enfle des visages que tu appelles à lui donner » (Éclats d’évangile p.46). En cela, notre relation à Dieu est intimement liée à nos rapports avec nos prochains. La part de Dieu en nous représente ce qu’il y a de plus élevé. Le socle le plus dur et, en même temps, le plus fragile, le plus exposé aux tempêtes, aux rafales, aux marées, aux bourrasques. Il n’est qu’expression d’amour, cet amour ressenti, accueilli et donné qui forge la puissance et la stabilité de notre être dans le temps.
Nombreux ont grandi avec un grand déficit d’amour au cœur de leurs existences. Ils ont peu de réserve pour donner à leur tour, pour, à leur tour, reconnaître cette flamme dans leur être qui fait advenir l’espérance et donne une pulsion de vie. Ne pas être capable de trouver, dans son bagage, cette flamme, rend bien difficile la possibilité de reconnaître sa présence chez l’autre. Le travail, la mission de toute personne est d’aider l’autre à découvrir la présence de cette flamme créatrice. Lui en faire faire l’expérience. Dans le livre l’Écoute, de Maurice Bellet (Desclés de Brouwer, 1989, quatrième de couverture), j’ai noté une définition de l’écoute très parlante: « Écouter, c’est être-là, l’oreille ouverte et laissez se dire ce qui se dit. Cette écoute nue est la relation nécessaire d’humanité, le ce sans quoi l’homme est pour l’homme le pur étranger, l’abime d’absence. »
Écoute Israël ! Prière que les juifs religieux récitent plusieurs fois par jour. Cet impératif d’écouter la parole de Dieu, Jésus, en porte le flambeau. Cette écoute attentive, active, c’est ce qui a marqué sa vie publique en Palestine au premier siècle de notre ère. Aimer commence par une écoute attentive. C’est le tout premier geste que fait Jésus dans toute rencontre : il se met à l’écoute. Une écoute attentive, c’est écouter pour comprendre et mettre en pratique. Écouter, dans la tradition biblique, veut aussi dire comprendre, accomplir. Georges Convert aurait ajouté, se mettre sur la même longueur d’onde, afin de bien saisir le message, l’intonation de la voix, sa charge émotive, la présence de la peur, de l’humiliation, de la précarité, de la fragilité. Ces adjectifs conditionnent toute l’écoute.
Les prophètes de la Bible ont toujours voulu rappeler au peuple de se remettre à l’écoute de la parole de Dieu, de cesser de s’éloigner de sa voix. Cette parole des prophètes se transforme dans les évangiles.
C’est Jésus qui devient porteur de cette même parole. Ici, dans l’épisode qui nous est présenté par Marc, une discussion entre un scribe et Jésus, cette invitation à l’écoute ne s’étant plus simplement à la verticale, entre les humains et Dieu, mais aussi, et avec la même insistance, entre les humains eux-mêmes. Ce sont eux qui sont porteurs, les uns pour les autres, de l’image de Dieu, de son amour. Jésus, par la bouche de l’apôtre Jean nous le dit : « Si quelqu’un dit : J’aime Dieu, et qu’il haïsse son frère, c’est un menteur ; car celui qui n’aime pas son frère qu’il voit, comment peut-il aimer Dieu qu’il ne voit pas ? Et nous avons de lui ce commandement : que celui qui aime Dieu aime aussi son frère. » (1 Jn 4.20-21)
« Tous les préceptes n’ont de consistance qu’en dépendance de cet amour gratuit. La Tora tout entière est sans contenu si on la vide de l’amour-agape. Or la Tora est plus que les offrandes cultuelles et les sacrifices.
Les sacrifices du Temple sont bons, car ils veulent traduire la relation d’amour que l’on a avec Dieu. Mais ils n’ont plus de valeur lorsque la miséricorde a disparu dans le coeur de ceux qui les offrent. C’est ce que Jésus n’a cessé de rappeler en citant le prophète Osée (cf. 6,6): « aux yeux de Dieu, la miséricorde est plus importante que tous les sacrifices du Temple » (Mt 9,13).
(…) Si nous nous laissons aimer de Dieu, si nous apprenons de lui à l’aimer gratuitement, sans rien exiger en retour, si nous apprenons de Jésus à aimer tout prochain à sa manière: avec respect, bonté, tendresse,
Georges Convert
alors, par cet apprentissage de l’amour vrai que nous fera faire l’Esprit,
nous construirons un monde où l’amour de Dieu pourra davantage régner. »
Étienne Godard
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