Regards croisés

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Ce texte de l’évangile de Luc qui nous raconte le passage de Jésus à la synagogue de Nazareth après le début de sa vie publique, nous le retrouvons aussi chez les évangélistes Matthieu et Marc. Mais la fin du récit est propre à Luc, celle où Jésus est chassé de la synagogue, entraîné sur le haut de la colline par une foule en colère. Les personnes présentes à la synagogue ont entendu des rumeurs disant que Jésus avait accompli des choses extraordinaires à Capharnaüm, une petite ville plus au nord, sur les bords de la mer de Galilée. Pourtant c’est connu, dans le nord il n’y a pas que des juifs pratiquants. C’est une zone frontière. Il y a aussi des étrangers non-juif parmi les habitants.

Le livre des prophètes dans l’Ancien Testament nous raconte qu’au temps d’Élie et d’Élisée, des prophètes ont été envoyés à une veuve de Sarepta, à Sidon (hors d’Israël) et vers Nahaman, le Syrien. La première souffrait de la faim, le second de la lèpre. Les deux étaient des païens, des non-juifs, et ont été sauvés, alors qu’en Israël, des juifs souffraient aussi de la lèpre et de la faim, sans recevoir ce secours!

On s’est probablement dit dans la synagogue: le Seigneur, Dieu de Moise, et d’Abraham, est notre Dieu. Ce sont nous les vrais enfants d’Israël, pas eux! Les juifs du temps des prophètes ont dû eux aussi être scandalisés! « C’est pourtant notre Dieu à nous ». Certains ont probablement pointé Jésus du doigt en lui disant: « Tu racontes n’importe quoi, on te connaît, qui es-tu pour profaner Dieu! » Qui sont les personnes à la synagogue? Très probablement des personnes qui croient fermement accomplir les bons gestes pour avoir droit aux grâces de Dieu.

Ils avaient l’impression d’appartenir au peuple élu. J’ai lu dans le site du diocèse catholique de Valleyfield, dans un commentaire sur cet évangile de Luc que « Si les auditeurs de Jésus sont tous devenus furieux, c’est justement parce qu’ils ont très bien compris que l’attitude de Jésus remettait en question la tranquillité de leur vie de foi. »
N’y avait-il pas eu, dans cette ville de Capharnaüm, un publicain collaborateur des Romains qui était devenu un de ses disciples, Matthieu. En effet, les publicains, c’est le nom que l’on donnait aux personnes qui percevaient les taxes, étaient tous perçus comme des collaborateurs des Romains (voir l’épisode de Zachée). Laisser entendre que Dieu poserait sa miséricorde sur des profanateurs, « c’est aussi saper les bases de l’ordre moral », écrit Georges Convert dans son commentaire.

Voir Dieu donner sa grâce sans condition fragilise peut-être notre relation avec lui. À quoi sert-il de faire tant d’efforts, d’aller, chaque sabbat, à la synagogue, de jeûner, de faire l’aumône, de payer sa dîme… Si Dieu guérit et prodigue ses bienfaits à celui qui ne croit pas en lui. Jacques Duquesne, auteur du livre Le Dieu de Jésus, s’exprime ainsi: « J’ai réalisé que la vision archaïque de Dieu existait toujours dans la tête des gens. Si vous leur demandez: qui est Dieu? Vous verrez qu’ils ont à peu près la même vision que l’on pouvait avoir il y a quatre mille ans, c’est-à-dire celle d’une puissance cachée, super-puissante, dont il faut se concilier la bienveillance. »

Georges Convert

Étienne Godard

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