Regards croisés

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La chronique de Regards Croisés met en scène les commentaires de Georges Convert, prêtre qui a fondé le Relais Mont-Royal accompagné de plusieurs jeunes adultes à l’automne 1996. Georges a écrit des commentaires sur l’ensemble des textes liturgiques des années A, B et C. Ces commentaires sont disponibles sur le site: relaismontroyal.org. Étienne Godard entre en dialogue avec ces commentaires et ses sensibilités propres, dans la rencontre des textes liturgiques.

Regards croisés du mercredi du 1er novembre 2023

Matthieu 23,1-13

sus défend la règle de vie du Père

Cette querelle contre des pharisiens que nous présente l’évangéliste Matthieu au début du chapitre 23 va se poursuivre tout au long du chapitre. Jésus invite à l’humilité, au service. Il est venu en enseignant, pour transmettre la voix du Père. Ce dernier, dans les textes de la Bible, est reconnu comme libérateur parce que, par l’entremise de Moïse, il a fait sortir les tribus juives de l’Égypte où elles étaient tenues en esclavage. L’ensemble de la Bible veut démonter que le rapport à Dieu doit être vu comme un rapport de libération, comme une invitation à se mettre debout. Une invitation à sortir de l’errance, pour utiliser une expression chère à la théologienne Rita Basset.

La Torah

Jésus critique les pharisiens parce que c’est eux qui ont été désignés comme enseignants de la règle de Dieu aux Juifs. Cette règle, on l’appel « la Torah ». C’est le nom donné aux cinq premiers livres de la Bible: la Genèse, l’Exode, le Lévitique, les Nombres et le Deutéronome. Il est clair que pour Jésus, nombre de ces pharisiens ne font pas le travail. Il les dénonce en disant qu’ils travaillent surtout à leur propre élévation sociale en priant avec zèle en public, en faisant résonner leur argent dans les boîtes de don au Temple et en chargeant les épaules de leurs concitoyens d’un fardeau trop lourd, fait de pénitence et d’interdits. Ces barrières en viennent à empêcher l’accès de Dieu aux plus humbles et au plus démunis. Alors que c’est à eux, en priorité, que Dieu a toujours voulu se faire présent. Jésus s’en est fait le reflet. C’est de cette constatation que découle toute la charge de Jésus, dans les évangiles, contre les scribes et les pharisiens. Globalement, nous pourrions les rassembler comme les membres des autorités religieuses juives à l’époque de Jésus.

La responsabilité de l’enseignant

Pour Jésus, être l’enseignant du peuple de Dieu, c’est enseigner la règle de vie qu’est la Torah. La règle de vie des pharisiens, dénoncée par Jésus, est incompatible avec une telle manière de vivre. Pour Jésus, la communauté des croyants doit être avant tout une communauté fraternelle dans laquelle l’humilité, l’accueil, la bienveillance et la miséricorde doivent être des règles de bases.

Michel Proulx, dans une lectio divina réalisée autour de ce texte nous a fait remarquer que Matthieu, qui écrit dans les années 80, émet très certainement une critique concernant certains membres de l’Église qui jouent également cette fonction de transmission de la parole et de la tradition. Ces derniers empruntent ce même dysfonctionnement que celui des pharisiens: c’est-à-dire qu’ils recherchent l’élévation sociale par la hiérarchie en durcissant le chemin qui même au Père pour glorifier leur propre fonction en délaissant l’humilité et la fraternité désirées par Jésus — lui qui a rêvé d’une communauté fraternelle — comme le suggère Monsieur Proulx. Pour lui, ce texte peut-être vu comme une mise en garde faite par Matthieu pour que les personnes qui assument des tâches de l’Église ne cherchent pas a s’élever au-dessus des autres. Il nous invite ainsi a nous coller à une valeur qui était très importante pour Jésus. J’emprunte des mots à Mario Bard, qui écrivait dans sa chronique « le grain de sel » : après vingt siècles d’histoire, cette page d’évangile est d’une étonnante actualité et elle l’a probablement toujours été. Cet évangile constitue une mise en garde contre tous les abus de pouvoir que l’on peut rencontrer dans la vie de l’Église.

« Comment comprendre cette critique de Jésus envers les scribes et les Pharisiens? On voit ailleurs que Jésus avait des amis pharisiens et qu’il soupait volontiers chez eux (Lc 7,36ss; Jn 3,1ss; 19,39). Tous les Pharisiens n’avaient pas les défauts pharisaïques. Rabbi Shemaya donnait des conseils semblables à ceux de Jésus: “Aime le travail, déteste de faire le Maître et ne cherche pas les relations avec ceux qui dirigent.” Jésus dénonce des déviations et ne condamne pas des personnes. Il invite ses disciples à vivre entre eux de véritables relations de frères et de sœurs. Jusqu’à sa mort, il invitera ses disciples à servir (cf. 16,21-24; 17,22-18,5; 20,19-28), car le Fils de l’Homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir (Mt 20,28). »

Georges Convert

                                                                                Étienne Godard

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