Regards croisés

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La semaine dernière, nous avons célébré ensemble le mercredi de Cendres. Dans cette célébration, le texte de l’évangélise Matthieu nous parlait entre autres du désir de proximité avec le Tout Autre. Un désir qui s’exprime, sur la route balisée du carême, sous trois angles selon notre tradition chrétienne : la charité, une invitation à se mettre à l’écoute des besoins des personnes que nous côtoyons, la prière, trouver des lieux, des temps, pour se mettre à l’écoute de Dieu, dont Jésus nous dévoile l’identité, enfin le jeûne, questionner nos faims multiples, qui peuvent nous amener loin de soi, loin des autres, et loin du Tout Autre.

Le récit que nous fait Luc est semblable à une pièce de théâtre à grand déploiement. Il fait le recensement des grandes symboliques de l’histoire biblique. La montagne, son élévation, est le lieu privilégié pour la rencontre de Dieu. Moïse va sur la montagne à sa rencontre et redescend avec les Tables de la Loi. Élie aussi va sur la montagne pour se mettre dans la présence de Dieu. Lors de la multiplication des pains, Jésus aussi est sur la montagne, comme lors de sa crucifixion. Les tentes dont parle Pierre soulignent sans doute l’errance du peuple juif, qui fuit l’esclavage en Égypte, dans leur exode dans le désert du Sinaï. La nuée qui, tout à coup, recouvre tout le monde sur la montagne est à l’image de cette nuée, qui précédait la marche de Moïse et des siens en exode dans le désert. Elle signifies la présence de Dieu. Luc accroche solidement l’expérience du fils de Marie et de Joseph, à l’ensemble de l’histoire d’Israël.

Je ne pense pas que j’aurais été un aussi bon public que les auditeurs de la communauté à laquelle s’adressait l’évangéliste Luc. L’évangéliste Luc nous fait ici un arrêt sur image pour nous dire que oui, ce Jésus que nous présentent les évangiles est bel et bien le bien-aimé de Dieu, ce Messie, dont nous parlent la loi et les prophètes, comme le texte nous présente Moïse et Élie.
Georges Convert note que la vie de Jésus est un va et viens continuel, une marche constante. Le texte en est le reflet : nous passons de l’illumination de la montagne à la solitude de la descente. Nous trouvons souvent, dans les évangiles, des scènes où Jésus s’isole pour prier, comme nous invite la tradition chrétienne pendant le carême. Il se mettait lui aussi à l’écoute de son Psère, c’est le moyen qu’il avait de se faire proche. Dans ce périple sur la montagne, s’il y a quelque chose que l’on note bien, c’est que Jésus se fait proche de son Père. Mais, rapidement, il redescend auprès des humains, où il a pris chair.

Ce mouvement, c’est le mouvement de la vie. Pierre sur la montagne aurait bien aimé fixer, dans le temps et l’espace, ce moment privilégié. Monter une tente, c’est s’établir, c’est une forme de demeure. Prendre une image sur arrêt quand il fait soleil et que la mer est belle. La tentation est forte de demeurer dans cet image, bien encadrée. Mais la vie coule, elle nous appelle ailleurs. Comme l’ont fait les peintres impressionnistes qui désiraient nous imprégner de cet impératif du mouvement, de la nécessité de demeurer dans cet élan.

C’est aussi l’image de la nuée. On ne capte pas la nuée. Elle est indéfinie. Par définition, elle est l’expression même du mouvement. Cette nuée, nous y avons fait référence plus haut, elle est l’image de Dieu dans la bible. Elle en exprime le côté indéfinissable. Les musulmans ont 99 noms pour définir Dieu. Je pense que l’ons y trouve un sens sur la route, dans nos relations, nos rencontres, le long du chemin que nous invite à prendre Jésus. Elle est de l’ordre de l’espérance et de l’amour. On n’enferme pas l’amour dans une image. On le vit.

Jésus est de passage. Son Esprit nous visite constamment. On peut se demander quand, dans notre vie, avons-nous senti cette intimité, cette proximité avec la nuée. Le temps du carême nous invite à visiter ces lieux qui ont été des temps de révélation dans nos vies. Ils sont-là, mais nous ne sommes pas toujours ajusté à leur présence. Le carême nous invite à nous remettre en quête de cette Présence. Il privilégie trois routes : la charité, la prière, et le questionnement sur toutes ces faims qui dévorent nos vies.

Sur la montagne, je désire monter près de Toi, Pére de lumière!
Mais mon coeur ne comprend pas encore le don de moi,
le don du pardon, don de la croix.
Esprit du Dieu vivant, insuffle en mon coeur
le désir du mystère de la Croix
qui rend joyeux et amoureux celui qui l’accueille.
Par ton fils Jésus, donne-moi la force
de construire la tente de ton Règne sur la terre. Amen!

Georges Convert

Étienne Godard

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