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La veuve : un enseignement précieux

Après une première lecture du passage de l’évangile de Luc (18,1-10), qui est l’évangile que nous propose le texte liturgique de la semaine, nous pouvons rester sur notre faim! C’est l’histoire d’une veuve qui, dans un village, harcèle un juge pour qu’il lui rende justice. La parabole nous apprend que ce juge regarde de haut tant Dieu que l’ensemble de ses concitoyens. Et c’est bien parce qu’il se tanne de voir la veuve venir le relancer encore et encore qu’il finit par rendre justice en faveur de la veuve. Il le fait uniquement pour se débarrasser d’elle, nous laisse entendre le texte de la parabole. 

Laisser descendre la parole

Comme tous les textes qui nous ont été proposés comme évangile de la semaine depuis près de deux mois, Jésus, accompagné de ses disciples, est en route vers Jérusalem. Jésus, le texte le mentionne à plusieurs reprises, à l’habitude de se mettre à l’écart pour prier son Père. Ce retour à la source, pour Jésus, est une des constances qui marque sa vie publique au fer rouge. À l’approche de Jérusalem, la ville sainte du judaïsme, la ville où siègent les hautes autorités religieuses, Jésus sent s’approcher la fin de sa vie publique. Constamment, il est sur le qui-vive et s’entretient avec ses disciples. 

La relation qu’il entretient avec son père se construit beaucoup par la prière. C’est un dialogue qu’il doit entretenir particulièrement alors qu’il s’approche de sa Passion. Il doit s’en nourrir de plus en plus. Sa relation avec ses disciples, c’est une relation de maître à disciples. Il est tout naturel qu’il leur parle de prière. Dans les paraboles, nous avons souvent cette opposition entre fragilité et pouvoir. Dans la bible, la veuve est une des grandes figures exprimant la faiblesse. La veuve est sans droit. La femme n’a aucun droit. Elle est sous la protection soit du père, du mari ou d’un fils. Cette faiblesse est un qualificatif qui définit très probablement le désaroi que soit souvent ressentir ses disciples.

La veuve, une image d’espoir et de persévérance

Qu’est-ce que possède la veuve pour elle? Très certainement une grande pugnacité, une grande confiance en elle, une grande espérance. Elle est convaincue que justice lui est due. Si une personne aussi méchante que le juge finit par répondre favorablement à la veuve, imaginez comment Dieu vous répondra rapidement, nous dit la parabole. Rappelons-nous de la veuve, qui est continuellement dans une situation de faiblesse dans l’ensemble du texte biblique, recherchait la justice, afin de sortir de cette situation de faiblesse. 

Prendre soin de notre relation

Le texte est écrit par Luc, dans les années 80-90 après la naissance de Jésus. Une communauté qui connaît les difficultés d’occuper la position qu’elle occupe, une marge difficile à tenir dans une société juive dans l’empire Romain… L’évangéliste parle à une communauté qui n’a pas connu le Christ. Une communauté qui n’a plus aucun témoin vivant avec elle. Une communauté qui ressemble certainement un peu à la nôtre. L’affaire Jésus n’est plus de notre génération. Entretenir notre relation avec elle est un exercice constant, qui comporte certainement ses sècheresses, ses silences, ses absences. Luc fait appel à la persévérance. Il se doit de rappeler constamment à sa communauté de se nourrir à la source. Une communauté qui, elle aussi, cherche justice!

La prière à cultiver

La prière ne doit pas se résumer à une lettre de doléances envoyées au Père. Comme Jésus, ses disciples, comme nous aujourd’hui, sont appelés à cultiver cette relation. Cette relation c’est ce que l’Ancien Testament appelait l’Alliance. La prière c’est très certainement la manière la plus intime d’entretenir ces liens. C’est comme un dialogue. Moins l’on se parle, plus c’est difficile…

Entretenir la relation se fait aussi par la fréquentation de la parole, la fréquentation des chemins dans lesquels nous invite Jésus, ceux de l’accueil, du partage, de la bienveillance et de la miséricorde. La relation est difficile quand elle n’est que rarement à l’ordre du jour. Ne dit-on pas loin des yeux, loin du cœur? Il est important de toujours se rappeler que la justice de Dieu peut se situer bien loin de nos visions à courte vue. Le battement du cœur de Dieu, comme celui de Jésus, pour utiliser une expression de Georges, doit se situer sur une longueur d’onde bien éloignée de la nôtre. 

(…) devant l’absence de Dieu, chacun peut faire comme s’Il n’existait pas. Devant le mal omniprésent, chacun peut finir par s’en accommoder:
Qu’est-ce que cela donne de vouloir changer le monde?
Tout est toujours pareil.
Écarter Dieu de notre vie,
c’est faire de notre existence une petite vie, limitée à cette terre: on naît et on meurt. Point final.  

Jésus veut forcer notre regard à bien lire le plan de Dieu.
À ne pas rétrécir notre espérance,
car l’être humain est fait pour Dieu et pour une vie d’éternité.
Voilà le sens que peut avoir cette prière constante qu’il nous demande: ouvrir sans cesse notre cœur à l’espérance que Dieu veut y inscrire; nous placer sur la longueur d’onde de l’amour infini, divin.

Georges Convert

Étienne Godard

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