Regards croisés

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Jésus accueille Zachée

L’épisode de Zachée, au début du chapitre 19 de l’évangile de Luc, démontre bien comment la relation à l’autre, lorsqu’elle se fait dans la bienveillance, est un tremplin fabuleux pour nous sortir de l’errance, pour nous rappeler à notre vocation de fils et de filles de Dieu.

Dans la vie de Zachée, il y a visiblement une grande coupure qui marque sa rencontre avec Jésus. À Jéricho, le texte de Luc nous dit que Zachée occupe un poste bien en vue. Il occupe une position économique fortunée dans une région sous occupation romaine: il est chef des percepteurs d’impôt. Dans les évangiles, on leur donne le nom de publicain. Ils sont perçus comme des collaborateurs avec l’occupant romain. Zachée fait un sale boulot au sein de la communauté juive: il collecte les lourds impôts décrétés par les occupants. Il doit certainement en faire bon profit. Les publicains ont la réputation de prendre plus d’impôt que ce qui est requis par l’occupant romain. Pour les autres membres de la communauté juive, il n’est certainement pas recherché d’être vu, par les autres, en compagnie d’un publicain. Face au judaïsme, il est considéré comme impur, il travaille avec des étrangers, des non-juifs. Il ne doit pas être bien vu par les pharisiens, qui déplorent d’ailleurs que Jésus mange avec eux. Si Dieu est au Temple, il peut lui être difficile d’y avoir pleinement accès. Il doit certainement multiplier les dépenses pour les sacrifices et les dons dans les troncs du Temple pour se faire un peu pardonner!

Visiblement, malgré son opulence, Zachée est malheureux dans le rôle qu’il joue. Je dirais qu’il est dans l’errance. Avec sa communauté, les liens, les relations sont coupées: il le ressent dans le lourd regard culpabilisant des autres, de l’autre qu’il croise au marché, à la synagogue, au bain public. Il souffre de son enfermement.

Zachée a certainement entendu parler de Jésus. De son discours accueillant, de ses paroles qui libèrent, de sa bonté, de sa miséricorde. Il cherche donc à le voir. Le texte de Luc l’exprime bien: il court pour être en avance et monte sur un arbre pour le voir. Entrant dans la ville, Jésus lève les yeux et voit Zachée. Aussitôt, il lui demande de descendre, car il doit habiter dans sa maison, lui dit-il. Zachée le cherche et Jésus va à sa rencontre. Que Zachée, dans le village qu’il visite, ait une si mauvaise réputation, n’empêche pas Jésus d’aller vers lui. Pour Jésus, Zachée est un homme, un fils du Père. Il est à sa ressemblance, fils d’Abraham. Il répond à l’attente de Zachée dans sa demande de relati
Jésus l’appelle par son nom. Il suscite en lui son potentiel d’humanité. Dans la tradition biblique, nommer, c’est un acte créateur. Que Jésus nomme Zachée par son nom. Par ce geste, il le transforme. Jésus veut demeurer chez lui, annonce-t-il haut et fort a la foule présente. Il se fait ainsi proche de lui. Ils se parlent d’humain à humains, de fils d’Abraham à fils d’Abraham. Le regard de Jésus fait plonger Zachée dans ses profondeurs. Zachée, au milieu de la foule, est remis debout!

Par ces gestes de proximité, de bienveillance, d’accueil inconditionnel, Jésus crée un espace de sécurité pour Zaché. Très certainement, comme chrétien, nous sommes invités à poser un regard parallèle à celui de Jésus sur les personnes que nous côtoyons. Je cite Lytta Basset qui écrit: « Quand nous posons sur une personne ce regard de compassion qui la restaure dans son être nous incarnons Son Regard, souvent sans le savoir, nous la voyons telle qu’Il l’a créé: un être structuré par l’ouverture à autrui, un être fait à sa ressemblance, c’est-à-dire de la même étoffe compassionnelle que lui. Tel était le regard de Jésus sur ses contemporains. »

Aujourd’hui, par la présence de Jésus, Dieu vient demeurer dans la maison du pécheur. Imaginons toute la conversion de mentalité que cela suppose pour les contemporains de Jésus. Pour eux, le seul lieu où Dieu se tient est le Temple de Jérusalem. Toute la vie est marquée par le Lieu saint. Plus on veut être sanctifié, purifié, plus il faut s’approcher de ce Lieu. Quand on montait au Temple, c’était comme si l’on s’approchait de Dieu. Après avoir franchi les portes de la ville, on entrait d’abord sur le grand parvis. Même les païens pouvaient venir sur ce parvis. Mais les païens, considérés comme impurs parce qu’ils adorent des idoles, ne devaient pas dépasser la barrière, celle qui séparait le parvis des païens de celui des femmes, et cela sous peine de mort! (…) Quel contraste avec l’attitude de Jésus qui descend lui-même sanctifier le logis du pécheur. Chaque demeure devient ainsi un lieu saint, le lieu où l’on peut rencontrer Dieu, le Père de toute miséricorde.

Georges Convert

Étienne Godard

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