La naissance de l’idée de la résurrection chez les juifs
Le texte que nous présente la liturgie cette semaine comme évangile est celui de Luc 20,27-38. Ce récit nous parle de la résurrection. Le concept de résurrection était présent chez les Juifs de Palestine avant la venue de Jésus. Deux siècles avant celle-ci, l’empereur Antiochus IV du royaume d’Assyrie, au nord d’Israël, a envahi la partie nord de la Palestine. L’empereur a fait installer une statue de sa personne dans le Temple de Jérusalem, un sacrilège terrible pour les juifs; un sacrilège insupportable! La révolte a explosé chez plusieurs membres de la communauté juive. Elle a mené à l’épisode du martyr des sept frères Maccabées, qui s’étaient révoltés et qui se sont fait emprisonner. Ils ont préféré mourir sous d’atroces souffrances plutôt que de renier leur foi dans le judaïsme et prêter serment à l’empereur Antiochus IV.
Il était insupportable pour de nombreux juifs que ces hommes, qui ont combattu pour la libération du Temple et qui sont morts dans d’atroces souffrances, l’aient été pour rien! Dieu nécessairement allait faire quelque chose! Ainsi, tranquillement est née, chez certains membres de la communauté, cette croyance en la résurrection. Au temps de Jésus, nous disent les biblistes aujourd’hui, les pharisiens souscrivaient à cette croyance.
Par contre, les sadducéens, eux, ne considéraient en aucun cas la croyance en la résurrection. Ils ne sanctionnaient que ce qui était mentionné dans les cinq premiers livres de la bible juive, que l’on appelle le Pentateuque, tous rédigés par Moïse selon la tradition. Pour eux, puisque dans ce corpus de textes l’on ne trouve aucune mention de la résurrection, celle-ci n’existait pas.
Ceux qui considéraient la possibilité de la résurrection l’envisageaient généralement comme un retour à la vie telle que celle connue avant la mort. J’ai lu dans le site du Carmet de France une belle définition de ce blocage qu’entraine cette présentation de la résurrection. « La réponse de Jésus souligne l’étroitesse de vue de ses interlocuteurs qui imaginent l’au-delà sur un mode trop terrestre, ils réduisent la vie éternelle à un simple prolongement de la vie terrestre. »
Retour sur l’exemple donné dans l’argumentaire des sadducéens
Pourquoi les sadducéens parlent-ils d’une femme qui marierait sept frères successivement? Ils font référence au chapitre 25 du livre du Deutéronome aux versets 5 et 6. Ce livre stipule que la femme d’un mari qui décède doit prendre pour nouveau mari son beau-frère et l’enfant à qui ils donneront naissance devrait prendre le nom du frère défunt pour préserver sa descendance. On se souviendra, comme je l’ai mentionné plus haut, que dans l’épisode de la révolte des Maccabées, sept frères étaient morts. D’où l’exemple donné par les sadducéens qui mentionnent ces sept frères mariés à la même femme.
Cette tradition voulait protéger la descendance du défunt qui représentait les fruits de sa présence dans la communauté («Soyez féconds et prolifiques, remplissez la terre » (Gen. 1,28)). L’enseignement de Jésus va nous inviter à associer ces fruits à ce que nous avons semé autour de nous pendant notre présence sur terre.
Jésus invite à penser autrement
Cette présentation un peu alambiquée des sadducéens va permettre à Jésus d’amener cette réflexion sur la résurrection sur un tout autre terrain. Pour le maître, notre vie terrestre demeure le lieu où se fait l’apprentissage de notre relation au Père. Un apprentissage qui découle de nos responsabilités, nos choix, nos alliances, nos désirs d’entrer en relation. Mais attention, nous ne nous sauvons jamais seuls! Il ne faut pas oublier cette invitation du maître qui nous demande, comme règle de vie, de s’aimer les uns les autres.
De la condition de la personne ressuscitée, Jésus n’en parle pas beaucoup, mentionne Georges. Sur son chemin, il nous invite à entrer en relation avec son Père, comme lui le fait. Cette résurrection serait très probablement d’entrée dans une relation encore plus intime. Une proximité qui peut ressembler à celle que nous pouvons imaginés de celle que les anges vivent! Au temps de Jésus, cette question de la résurrection apparaît sujette à débat. Nous pourrions ajouter, comme aujourd’hui! Pour moi, une chose est certaine. Dans son discours sur la résurrection, Jésus nous amène ailleurs.Toute la bible nous invite à entrer en relation. Je pense que c’est sur ce chemin que nous devrions chercher.
« Les mots de la bible nous convient à un cheminement »
Il nous faut reconnaître, accepter de nous mettre en mouvement. Dans une conférence présentée sur YouTube (voir la vidéo frère Philippe Lefebvre à St-Paul), ce frère dominicain parle des mots dans la bible. J’ai tout de suite fait le lien avec le mot résurrection. On le voit bien cheminer, entre sa naissance au temps de la révolte des Maccabées au IIe siècle avant Jésus et l’époque chrétienne. Philippe Lefebvre nous dit que, tout au long de l’histoire biblique, « les mots sont en chemin ». Les mots, les idées qu’ils transportent jusqu’à nous vivent véritablement. Comme toutes vies, leur sens se dévoile dans le mouvement. Il nous invite à « entendre leur résonnance ». Ils ont des richesses auxquelles « nous n’avions pas encore pensé ». Ces mots nous invitent à l’écoute. Ils nous invitent à nous mettre debout pour embarquer dans le tourbillon qu’ils vont inévitablement faire surgir. Le frère Philippe ajoute : « Les mots nous convient à un cheminement. Ils ne nous confient pas à un enseignement définitif. La parole biblique nous laisse toujours en chantier. »
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