Regards croisés

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Prêcher dans le désert

Combien sont-ils à avoir eu l’impression de prêcher dans le désert à la dernière conférence sur le climat en Égypte ? C’est un peu intrigant pour nous, urbains et contemporains du 21e siècle, de voir se mettre en branle ainsi l’histoire de Jésus, du messie qui vient sauver le peuple juif, au cœur d’un désert. Le désert, pour nous, c’est le symbole de la dégradation extrême du climat, une annonce d’apocalypse! 

Dans le monde biblique, la symbolique est inversée. Aller dans le désert, ce n’est pas aller vers la mort, mais vers la vie. C’est allé à la rencontre de Dieu. Le livre de l’Exode, qui raconte, dans la bible, la sortie des Juifs de l’esclavage en Égypte, relate les 40 années où ils vont demeurer au désert. Les tribus juives, écrivent les textes anciens, suivent leur guide, Moïse, qui va les amener à la rencontre du Père. Ce sera le début de l’Alliance et de toute l’histoire que va relater la bible, entre autres à travers la voix de ses prophètes, Amos, Isaïe, Jérémie, Ézéckiel. La bible nous présente Jean LeBaptise comme le dernier de ces prophètes. J’ai appris que la description que l’on fait de Jean correspond à la description que l’on fait du prophète Élie dans la bible qui nous raconte comment il a disparu dans une cavale endiablée vers le ciel.

Le désert, une terre spirituellement fertile

Dans l’univers biblique, il faut comprendre qu’il fait sens que cet appel de Jean se fasse dans le désert. Jésus a porté attention à cet homme qui prêchait dans le désert. C’est cette voix qui l’a fait sortir de son patelin, Nazareth, du confort du foyer, du travail du bois avec son père, de la chaleur et la fraternité de la tribu. Cet appel de la fragilité, du souffle, cet appel à se mettre en marche dans des chemins de travers, va caractériser dès le départ la démarche du Nazaréen. Les chants de sirènes qui le font réagir restent inaudibles à la plupart de ses contemporains.

Le thème du chemin va de pair avec le verbe suivre, se mettre en marche, se lever. Un thème récurrent dans le discours du Nazaréen. À de nombreuses reprises, on retrouve cet appel dans les évangiles : « Suis-moi! » Suis-moi nous invite au mouvement, au déplacement. Décider de sortir de sa torpeur, décider de sortir de sa tribu, se secouer, aller de l’avant, mettre un pied devant l’autre. Se mettre en mouvement parce que la vie elle-même est un continuel déplacement. On compare souvent le cours d’une vie à celui d’une rivière. Le cri de Jean dans le désert appelle ce souffle.

Le cri de Jean dans nos vies

Le cri de Jean dans nos vies ouvre des horizons. Dans des temps particulièrement difficiles, la mort de ma mère, pendant mon séjour prolonger dans un hôpital pour un cancer, les horizons se faisaient difficilement voir. Le cri de Jean peut-être fécond, très fécond. Il peut nous faire voir une ouverture, puis un sentier. Puis, tout-à-coup, si nous restons bien éveillés, attentifs au vent qui souffle, l’horizon, longtemps disparu se montre de nouveau. 

Ce cri, cette force sont portés par celles et ceux qui ont pu et su se faire proche dans les temps de tempête. Il faut arriver à reconnaître ces « Jean » qui ont crié pour nous, qui nous ont ouvert des horizons. Les reconnaître et savoir, dans des circonstances différentes, porter ce cri à notre tour. À notre tour, ouvrir des horizons à d’autres. C’est ainsi que nous pouvons relayer ce souffle que la tradition chrétienne a porté jusqu’à nous. Par le témoignage, s’inscrire sur le chemin débroussaillé par Jean et illuminé par Jésus, son cousin.

Jean propose un baptême de conversion. Il demande de poser un geste qui signifie sa volonté de changer sa vie, qui témoigne de son engagement à revenir vers Dieu, à redevenir fidèles: Convertissez-vous: le Règne des cieux est proche!

La religion juive évite de prononcer le nom de Dieu par respect. Elle remplace le mot ‹Dieu› par ‹les cieux›. Mais le ciel n’est pas un lieu, c’est Dieu lui-même. Rendre plus proche le règne de Dieu, c’est donc vivre pleinement la Tora de Dieu, et c’est établir une société où la Tora –la loi de Dieu– est le guide de tous.

Georges Convert

Étienne Godard

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