Regards croisés

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Jean, celui-là même qui avait baptisé Jésus dans le désert, sur le bord du Jourdain, a été emprisonné par le roi Hérode parce que son discours dérangeait trop l’autorité du roi. Jean voit et entend, de loin, les discours et agissements de Jésus. Il se demande s’il est bien l’envoyé de Dieu, le Messie, descendant de David, venu sauver Israël.

Un renversement

La semaine dernière, l’évangile donnait un portrait différent de Jean Baptiste. Le texte de Matthieu met en scène un prophète, qui annonçait l’arrivée du Messie qui allait sauver Israël. Il demandait aux Juifs de faire pénitence et de revenir sur la voie de l’Alliance. Il faisait preuve d’une foi, d’une espérance inébranlable. 

Dans le texte de cette semaine, nous apprenons qu’il envoie des disciples demander à Jésus s’il était bien le Messie venu délivrer Israël. Les premiers pas de Jésus hors de son village l’avaient amené auprès de Jean Baptiste. Celui-ci l’avait baptisé et une voix venue du ciel affirmait qu’il était le fils du Père. Nous étions dans un autre monde que cette semaine. 

Le doute

Ici, tout a changé pour Jean. Il a été arrêté et croupit dans les prisons du roi Hérode. Jean annonçait à tous ceux qui voulaient l’entendre que celui qui venait après lui, le Messie, allait libérer Israël de ses occupants, punir les non-croyants et libérer les prisonniers alors que lui, Jean est toujours en prison. Ce sauveur, ce Messie qu’il annonçait ne semble pas avoir répondu à ses attentes. Dans la noirceur de sa cellule, il traverse un désert spirituel qui l’amène à douter. La réaction de Jean est très humaine, très contemporaine aussi. Face à l’épreuve, le doute n’est jamais loin.

Aux envoyés de Jean vers le Nazaréen, Jésus répond : des aveugles voient, des lépreux sont guéris, des sourds entendent, etc. Le témoignage de Jésus montre que Dieu s’est approché. Dans cette réponse, nous ne trouvons aucune trace de cette colère de Dieu dont nous parlait Jean la semaine dernière. On trouve, dans la réponse de Jésus, un décalage avec l’annonce de Jean, qui parlait de feu, de la pelle à vanner, du jugement. Dans le rapport que fait le Nazaréen aux envoyés de Jean, rien de tout cela n’est mentionné. 

Résolument, on constate qu’un décalage s’est installé entre l’annonce faite au désert par Jean et le Jésus que nous ont fait découvrir les premiers chapitres de l’évangile de Matthieu. Jésus y accueille tous ceux qui sont à la marge de la société juive. Cela se manifeste souvent autour de la table, par le repas partagé, une nouveauté dans la société juive qui départage rigoureusement les purs des impurs, aussi il chasse les démons, guérit les malades, redonne l’audition aux sourds, la vue aux aveugles, signes par excellence des temps messianiques.

L’attitude de Jésus envers les pécheurs n’est pas celle qu’il avait annoncée au désert. Le visage de Dieu que nous fait voir Jean Baptiste n’est pas celui que dévoile son cousin, Jésus. Nous sommes souvent comme Jean. Devant de telles nouvelles, nous sommes surpris, révoltés ! Dieu est rarement où nous l’attendons. Nos certitudes peuvent être ébranlées. Combien de croisades ont été faites pour épurer le chemin auquel Jésus nous invite à emprunter avec lui ! Devant la misère, la violence, devant le mal et la souffrance, nous sommes aussi ébranlés. Tout comme Jean Baptiste l’a été. La foi qui ne se questionne plus, qui se fige, n’est plus en accord avec la réalité de la vie. La vie est un mouvement perpétuel. Nos espérances doivent refléter ce chemin qui nous questionne. Comment y répondre dans nos vies? Qu’est ce que nous aimerions entendre? Qu’est ce que nous y entendons, nous y percevons? Si nous regardons dans notre rétroviseur, que voyons-nous? Je pense qu’il nous faut toujours tendre l’oreille et veiller, comme nous y invite souvent Jésus et se garder une bonne réserve d’huile pour que nos lampes restent allumées.

Au lieu du Fort déployant contre les pécheurs la puissance vengeresse de la colère de Dieu, Jésus ne se présente que comme la manifestation de la tendresse miséricordieuse du Seigneur à l’égard des pauvres et de tous ceux qui souffrent. Le contraste est grand! Jean parviendra-t-il à admettre la révélation de l’amour qui se fait dans l’humilité et la faiblesse?» (J. Dupont, Idem, p. 19). Il y a là un risque de chute qui n’est pas seulement celui de Jean. Rappelons la réaction de Pierre devant l’annonce de Jésus concernant sa passion. Jésus l’a déclaré inspiré par le Père parce qu’il l’a reconnu comme le messie. Mais aussitôt il commence à annoncer qu’il devra souffrir et qu’il sera mis à mort. Pierre se refuse à une telle fin pour celui qui vient comme un messie libérateur. Jésus le traite alors de Satan parce qu’il veut le faire tomber.

Georges Convert

Étienne Godard

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