Regards croisés

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L’accomplissement de la Torah c’est l’amour

Avec le texte de Matthieu cette semaine (5,17-37), nous sommes toujours dans le discours sur la Montagne présentée par l’évangile de Matthieu. Nous avons commencé par les béatitudes, puis nous avons parcouru le texte qui appelle les chrétiens à être le sel de la terre et la lumière du monde. Nous sommes donc ici dans une troisième section du discours de Jésus sur la Montagne. Nous pouvons dire qu’ici, d’une manière encore plus tranchante que dans les béatitudes, Jésus met de l’avant sa compréhension de la vie à laquelle sont invités les enfants de Dieu. C’était aussi le but des béatitudes. Ici, par contre, ce chemin auquel invite Jésus à se joindre est mis en opposition avec une autre façon de faire, défendue par une grande partie des autorités religieuses juive de son époque. Des commentaires ont noté les nombreuses antithèses dans le discours de Jésus: « On vous a dit, moi je vous dis ».

Un fardeau lourd à porter

La tradition religieuse juive du temps de Jésus est réglée selon des normes et des lois tirées des cinq premiers livres de la Bible: la Genèse, l’Exode, le Lévitique, les Nombres et le Deutéronome. La tradition appelle généralement cet ensemble la Torah. Le mot torah peut être interprété comme une règle à suivre, un chemin à parcourir, une direction. Plus de 600 commandements ont été élaborés pour servir de directives aux Juifs pratiquants. Si tout est suivi à la lettre, Jésus considère que c’est un fardeau indu sur les épaules des Juifs, tout particulièrement quand ces Juifs sont pauvres et appartiennent à des strates qui sont souvent dans la marge de la société: les malades, les enfants, les femmes et les veuves en particulier, les étrangers aussi. Tout simplement parce qu’il leur est difficile, voire impossible, de respecter toutes ces directives. Pour utiliser une expression de Jésus: leur fardeau est lourd à porter. Pour Jésus, il ne s’agit pas de suivre à la lettre ces commandements, mais de respecter la direction qu’ils invitent à suivre.

L’essentiel: refléter l’amour généreux du Père

Quelque part, Jésus prêche pour revenir à la définition que l’on donnait plus haut du mot torah: un parcours à emprunter, une direction. Selon le Nazaréen, il ne faut pas aborder la Torah strictement comme un code de lois. Il faut davantage y voir une direction qui nous est donnée pour découvrir l’amour de Père. Tous les préceptes de la loi juive que contient la Torah doivent toujours être soumis au regard d’amour et de miséricorde du Père. Il n’existe aucun autre absolu. La Torah désire la justice. Mais une justice qui, jamais, n’est dépourvue d’amour. Si l’homme, la femme se rebelle contre sa sœur, son frère et le rejette, la relation à Dieu devient intenable. Tout l’Évangile nous dit qu’il n’existe aucune cloison entre nos alliances humaines et notre relation au Tout-Autre. « En conscience de ta Fidélité, [il me faut] choyer mes propres alliances. Que mes « oui » soient « oui » et qu’ils résonnent longtemps »1. La Torah nous demande de développer, dans tous nos modes de relation, des rapports justes. De nombreux commentaires pointent du doigt que Jésus n’est pas venu abolir les lois mosaïques, mais les « accomplir », les achever, les amener à leur pleine réalisation. 

En faisant tout cela, prière, jeûne et aumône (c’est-à-dire en respectant tous les commandements de la loi), ils oublient l’essentiel: l’amour généreux, gratuit, sans condition qui seul fait grandir et vivre. Sans amour, il n’y a pas de liberté et sans liberté, il n’y a pas d’amour. Dans sa lettre aux Romains (13, 8-10), Paul aura des formules bien ciselées: L’accomplissement de la Torah, c’est l’amour. Celui qui aime son prochain a pleinement accompli la Torah. Le grand Augustin disait: aime et fais ce que tu veux. Ce qui ne veut pas dire: aime et fais n’importe quoi. Mais: si tu aimes en vérité, alors tu ne pourras faire que ce que tu veux vraiment, et ce que tu veux vraiment ne peut être qu’acte d’amour.

Georges Convert

Étienne Godard

 1 Marion-Muller Colard, Éclats d’Évangile, 2020, Bayard poche, page 247.

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