Regards croisés

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Une invitation à se faire proche

Avec le mercredi des Cendres, les communautés chrétiennes entrent dans la période du carême, une période de 40 jours qui ouvre le chemin vers la résurrection de Jésus le jour de Pâques. Pendant la célébration qui débute cette entrée en carême le mercredi de Cendres, l’on marque généralement le front des disciples présents à l’Église par une croix de cendre. On rappelle aux humains qu’ils ne sont que poussière, marqués par le péché. Les cendres sont une invitation à l’humilité pour les chrétiens. Aussi une invitation à se laisser habiter par la miséricorde de Dieu.

Le carême est marqué par la mort du Christ sur la croix. Il nous est impossible de ne pas être marqué par la présence des cendres, par le rappel de nos manques, de nos chutes, des relations que nous avons brisées, des promesses que nous n’avons pas été capable de tenir et des alliances que nous avons rompues. Il ne faut pas rester fixer sur ces cendres, mais en être conscient. C’est surtout, pour nous humains, de se laisser habiter par la miséricorde de Dieu. Nous sommes invités, déjà à participer à la résurrection qui vient. C’est un appel à la réconciliation.

Afin de marquer ce temps de carême, la tradition chrétienne nous offre d’une manière privilégiée, trois chemins pour y entrer: la prière, l’aumône et le jeûne. L’éditorial de la revue rappelle d’abord que nous chrétiens ne sommes pas seul sur ce chemin, mais solidaires. « Solidaires de cet immense courant d’humanité qui, des ashrams aux synagogues, des temples aux mosquées, à travers la diversité des civilisations et des cultes, a signifié sa quête de Dieu par le jeûne, l’aumône et la prière. »

Par la prière

Souvent nos vies nous ont éloigné de nos grandes alliances que nous nous étions promis de respecter, ces grandes alliances sur lesquelles reposent nos espérances d’humanité: la miséricorde, le partage, l’attention aux personnes les plus démunies, la bienveillance, la gratuité et l’accueil. Ce temps du carême nous appelle à y revenir. Ce temps de carême nous appelle de nouveau à nous faire proche. La prière nous invite à nous rapprocher de Dieu, dont Jésus est venu nous dresser l’image. La prière est aussi une invitation à se rapprocher de soi-même, de notre essence, de ce qui nous anime, de ce qui nous fait grandir. Aller au fond de soi pour y découvrir ces liens qui nous font vivre et auxquels nous voulons insuffler un nouveau souffle, desquels nous désirons nous faire à nouveau proche.

Par la charité

La charité fait directement appel à cette invitation à se faire proche. Le philosophe Jacques T. Godbout a beaucoup écrit sur le don. Il écrit que le don laisse aller les choses. Il suppose l’abandon actif. Je n’ai plus mes notes exactes, mais je me souviens d’une chose: pour lui, le don s’oppose à l’obligation contractuelle et ainsi s’inscrit en faux contre nos sociétés marchandes. Il libère l’autre de ses obligations contractuelles. Le don peut être un facteur de rapprochement.

Oui, la charité peut être pécuniaire et soulager ainsi des souffrances qui sont déshumanisantes: dans la rue, au coin de chez soi comme à l’autre bout du monde. Mais la charité peut aussi s’exprimer en laissant tomber à l’occasion des murs autour de soi pour nous permettre de nous faire proche, concrètement, d’une souffrance qui se vit près de chez nous. Un voisin, une voisine âgée qui sort plus difficilement de chez lui, de chez elle, où qui a quittée pour un CHSLD dernièrement. Une famille d’immigration récente qui a besoin de panser ses plaies et éprouve des difficultés à bien s’ancrer dans sa nouvelle vie. Comment me faire proche d’eux?

Par le jeûne

Parlons de ce troisième chemin que nous invite traditionnellement à prendre le carême: le jeûne. Se priver de nos faims pour nous faire entendre la faim des autres? Les évangiles nous disent que l’homme ne se nourrit pas seulement de pain. Moins se nourrir pain peut nous amener à chercher une autre nourriture: celle de la Parole. Le jeûne peut nous amener à nous faire proche de celui qui est le Verbe du Père, nous dit l’évangéliste Jean dans son prologue: Jésus. Qui n’a pas expérimenté dans le jeûne une ouverture à la dimension spirituelle. C’est comme si la faim du corps s’ouvrait à une source différente. 

Je ne veux pas dénigrer le corps et la chair, c’est notre présence au monde! Cet objet de jeûne peut prendre d’autres formes qu’alimentaires. Dans notre monde, ces faims peuvent avoir une multitude d’expressions: l’argent, la salle de sports, la télévision, notre cellulaire, les réseaux sociaux, notre voiture, etc. Jeûner pourrait donc aussi signifier combler nos faims autrement! Prendre le temps, pendant ces 40 jours de carême, d’expérimenter d’autres chemins, se laisser attirer par d’autres luminaires.

Étienne Godard

  1. marcel gaucheron

    Merci beaucoup pour cette belle explication, très pédagogique.
    Bon Carême à tous et toutes

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