21 Sep

Comment renouveler l’Église catholique au Québec à l’aube du 21e siècle ?

LE CHRISTIANISME A-T-IL FAIT SON TEMPS ?

Cette question n’est pas seulement un titre. Elle est l’écho de ce que pensent bien des baptisés, et notamment un bon nombre des jeunes-adultes devant la situation de leur Église. Le tragique déclin actuel est-il passager? Pouvons-nous espérer –à vues humaines– que nous allons assister –dans un temps prévisible– à un renversement des tendances? Les statistiques de la pratique dominicale ne cesse de baisser. L’assistance compte une forte majorité de personnes dont l’âge est supérieur à 65 ans. Dans 10 ans, dans 20 ans, ces gens ne seront plus là et rien n’indique qu’ils auront été remplacés. Il est probable que les jeunes générations actuelles ne prendront pas  –à l’heure de la retraite– le chemin d’une Église qu’ils n’auront jamais fréquentée.
Beaucoup de paroisses ferment, faute de paroissiens ou par manque de prêtres.
Certes la vie chrétienne ne se limite pas à la pratique eucharistique et on aurait raison d’évoquer d’autres pratiques (l’engagement dans le monde social inspiré par l’Évangile, par exemple). Mais si la pratique évangélique de la solidarité et de la justice est importante pour l’avancée du Règne de Dieu dans le monde, il faut encore qu’on puisse former des chrétiens et des chrétiennes pour témoigner de cet Évangile. Or la formation, l’initiation à la vie chrétienne nécessite des communautés vivantes. Où trouver de tels milieux, alors que la famille est souvent en crise et que la paroisse n’est plus une communauté?

DE FAUSSES REPONSES CONSOLANTES

Si Jésus nous assure de son soutien indéfectible, il ne veut pas pour autant nier notre liberté et notre responsabilité. Un évêque de Paris disait un jour aux nouveaux prêtres qu’il venait d’ordonner: «Messieurs, souvenez-vous que l’Esprit saint viendra au secours de votre faiblesse, mais non de votre paresse.»
L’on pourrait aussi se réconforter par le fait que la fréquentation des sanctuaires serait plutôt en hausse. Un nombre significatif de chrétiens semblent préférer ‹assister› à la messe dans les sanctuaires plutôt que dans leur église paroissiale de quartier. Les célébrations religieuses y sont souvent de meilleure qualité. Mais les gens qui fréquentent les sanctuaires le font, pour l’immense majorité, de façon anonyme. Pour eux, il n’est pas question –dans ces lieux de culte– de ‹faire communauté chrétienne›.

LE PROJET DE JESUS

Mais c’est le projet de Jésus lui-même qui appelle impérativement les disciples à faire la communauté. La dimension communautaire de la vie chrétienne ne relève pas d’une mode ou d’une pastorale particulière et facultative. À travers les récits évangéliques et les Actes des Apôtres, l’œuvre de Jésus apparaît essentiellement comme la constitution de groupes de disciples qui vivront la fraternité.  Une fraternité qui traduira concrètement les liens que chaque membre vit avec Dieu (comme avec un Père tout-aimant). C’est l’unité de ceux qui veulent s’entraider à vivre cet Évangile d’un Dieu qui n’est qu’Amour, qui est le témoignage que Jésus espère de ses disciples, comme il l’a traduit dans la prière du Dernier Repas: Je leur ai donné la puissance d’amour que Tu m’as donnée pour qu’ils soient Un comme nous sommes Un, pour qu’ils parviennent à l’unité parfaite et qu’ainsi le monde puisse connaître que c’est Toi qui m’as envoyé et que Tu les as aimés comme Tu m’as aimés (Jean 17, 22- 23).
Le groupe des Douze a été le prototype de ce groupe fraternel porteur de l’Évangile. Après Pâques, les Actes décriront les premiers chrétiens par ce résumé saisissant:
Ils étaient persévérants dans l’enseignement des apôtres, et la communion –la fraction du pain– et les prières (Actes 2,42).

DES REPONSES SIGNIFIANTES MAIS ENCORE INSUFFISANTES

Au plan chrétien, les années 70 ont vu naître les communautés ecclésiales de base (les CEB), ainsi que des mouvements comme les Cursillos, le Néo-catéchuménat, Communion-Libération, etc. Ce qui a fait le succès de ces nouveaux groupes est probablement qu’ils répondaient en grande partie au besoin communautaire. C’est aussi probablement à cela que le renouveau charismatique doit sa vitalité. On pourra aussi évoquer qu’il y a de plus en plus de groupes de partage qui se réunissent dans les maisons privées ou dans des salles paroissiales. On y discute sur la foi, la vie chrétienne, l’évangile. Mais la question vitale que posent ces groupes est celle de leur durée. Peu d’entre eux ont une réelle longévité. De plus ils n’ont, le plus souvent, aucun lien entre eux. Lorsque le groupe meurt, les membres, ne connaissant pas d’autres groupes, retournent à leur solitude.

LA PAROISSE ACTUELLE NE PEUT PLUS ETRE UNE COMMUNAUTE

La paroisse a subi, comme la ville, les changements intervenus dans le tissu social par le développement des moyens de transport. Les gens ne sont plus assujettis au territoire de leur domicile. De nos jours, l’église paroissiale accueille non plus des groupes communautaires comme l’étaient les familles (ce qu’on a appelé des églises domestiques), mais des individus qui n’ont, le plus souvent, aucun lien entre eux en dehors du rassemblement dominical. On ne vient plus à la messe pour y rencontrer des amis et des parents.
Aujourd’hui, il faut ré-inventer ce qui peut être la cellule de base de l’Église paroissiale, l’église domestique. Il faut re-créer des groupes de style familial. Mais les liens ne seront plus ceux du sang. Ce sera peut-être en plus grande fidélité à l’Évangile, selon la définition que Jésus lui- même a donnée de ce que devait être la famille de son Église: Sa mère et ses frères vinrent alors le trouver, mais ils ne pouvaient l’aborder à cause de la foule.On l’en informa: «Ta mère et tes frères se tiennent dehors et veulent te voir.» Mais il leur répondit: «Ma mère et mes frères, ce sont ceux qui écoutent la parole de Dieu et la mettent en pratique» (Luc 8,19-21).
«La création de groupes fraternels, où l’on apprend ensemble à croire, apparaît comme une voie d’avenir. Qu’on l’appelle fraternité, équipe, communauté ecclésiale de base ou de tout autre nom, le groupe restreint répond aujourd’hui à un réel besoin. Il s’agit de lieux de partage et de solidarité pour se communiquer mutuellement la Parole de Dieu et s’exprimer dans le service de l’amour» (J. Rigal, Horizons nouveaux pour l’Église,  Cerf 1999, p.142).

On peut consulter l’article dont ce texte est extrait dans la section Articles complets
sous le titre : Une Église pour le 21e siècle