31 Mai

Comment l’Évangile s’est transmis avant sa mise par écrit ?

Notes de Le parlant, la parole et le souffle, de Marcel Jousse

Le premier milieu de la tradition en Palestine est la maison paternelle.
Le maître de maison (l’Abba (père) de famille) est le maître d’instruction car maître des traditions. Il n’engendre des fils que pour les engendrer à la Tora (l’Enseignement de Dieu).

À l’époque de Jésus, le texte des Écrits sacrés est en hébreu (qu’on ne parle plus) et sans voyelles. Pour lire correctement il faut savoir par cœur ce que le texte signifie (d’où la tradition orale). Le texte écrit est donc seulement un aide-mémoire. On n’apprend à lire que pour lire la Tora. On ne peut guère être autodidacte (très peu de livres) : on a besoin de transmetteur. Les phrases en hébreu sont quasi automatiquement traduites en araméen (targum). Le fils répète la Tora jusqu’à ce que le texte devienne de l’eau dans la bouche.
Il catéchise (il répète en écho).  La parole est plus globale que l’écrit (l’intonation donne sens). À la synagogue, chaque sabbat on remémorise la Tora. Après chaque verset de la Tora (les 5 premiers livres bibliques) et après chaque trois versets des prophètes qui sont lus à voix basse en hébreu, on remémorise la traduction araméenne faite par le paraclet (l’interprète-traducteur) qui proclame à voix forte : Ce que tu entends à l’oreille, proclame-le sur les toits. Sur une période de 3 ans et demi on revoit toute la Tora.

La sagesse se transmet notamment sous forme de proverbes (comme nous faisions autrefois : qui vivra verra; qui s’assemble se ressemble).
L’expression on vous a dit fait référence à la Tora de sur la bouche.
L’expression Il est écrit fait référence à la Tora de sur l’Écrit.

On récitera toujours au nom de son enseigneur :
L’Abba aime le béra (le fils) et montre au béra tout ce qu’il fait  (Jn 5,20)
Ieshoua récite au nom de l’Abba des cieux.
Rabbi Ieshoua enseigne par comparaisons (paraboles) qui laissent place à la méditation :
Mon enseignement n’est pas de moi, mais c’est de celui qui m’envoie. Jn 7,16
Ce que j’ai entendu de lui, c’est cela que je dis au monde.  Jn 8,26
Moi je ne fais rien de moi-même, je dis ce qu’enseigne le Père.  Jn 8,28
Je n’ai pas parlé de moi-même, mais le Père lui-même m’envoie  Jn 12,49
Les paroles que je vous dis, je ne les dis pas de moi-même
c’est le Père qui demeure en moi qui accomplit ses propres œuvres Jn 14,10
Auprès de moi vous tous venez
les surchargés, les surmenés
et moi je vous  reposerai.      Mt 11,28

Il y a aussi l’enseignement par mimodrames: lavement des pieds, repas des pains multipliés, dernier repas   (1 Sa 11,6-7).

À l’époque on n’envoie pas tant un message-missive mais un messager-envoyé (l’apôtre).
Quand l’annonceur (l’apôtre) devra s’éloigner de ses appreneurs, il mettra sa récitation par écrit.
Quand le père de famille fait défaut, c’est l’abba selon le souffle (le rabbi) qui le remplace à la maison du Rouleau (la synagogue). «Qui fait apprendre les leçons de la Tora au fils de son prochain, cela lui est compté comme s’il l’avait engendré.»
C’est le sens de ce qu’écrit Paul aux Corinthiens :
Si vous aviez en Christ des milliers de pédagogues vous n’avez pas plusieurs pères.
Moi je vous ai engendrés dans Christ Jésus par l’Évangile.
Je vous exhorte donc à devenir mes imitateurs [comme je suis imitateur de Jésus]  (1 Co 4,15-16 cf 11,1)
À l’époque de Rabbi Ieshoua la vraie Tora vivante, c’est le targoum.
Le père de famille doit non seulement donner le pain de la vie du monde présent,
mais aussi le pain qui est la vie du monde à venir (éternel), qui donne la vie perdurable: la Tora.
Le monde d’en bas doit imiter, calquer le monde d’en haut:
«comme dans les cieux, ainsi sur la terre…
comme dans le père, ainsi dans le fils.»
On mange le pain de froment et on boit le vin de raisin
puis on mange le pain de la leçon et on boit le vin de l’enseignement
puis on mange le pain qui est la chair de l’Enseigneur et on boit le vin qui est son sang d’Enseigneur
Ieshoua le Galiléen s’est dit Parole du Parlant Éternel.
L’amour du fils pour son père est de retenir (garder et observer) ses leçons de sagesse, son esprit.
Le fils enverra un autre paraclet : jamais deux paraclets en même temps

«Lorsque Pierre eut catéchisé à Rome et récité l’Évangile sous l’inspiration du Saint Paraclet, beaucoup exhortèrent Marc, qui depuis longtemps l’accompagnait et qui savait par cœur les Récitations, à mettre par écrit ce qu’il avait répété. Pierre ne s’opposa pas mais ne fit rien pour l’encourager.» (Clément d’Alexandrie, Eusèbe 552)