21 Sep

Notes sur le pardon

Fils prodigueIl ne faudrait pas confondre le pardon avec les excuses.

Si j’ai marché involontairement sur le pied de quelqu’un,
je vais lui dire: Excusez-moi…. et non pardonnez- moi.

Par contre, si j’ai blessé quelqu’un par mes propos, même involontairement,
je peux lui demander pardon.
Pourquoi?
Le pardon est lié au mal moral que l’on fait à quelqu’un…
un mal qui a brisé ou simplement blessé la relation d’amitié qui existe entre nous.
Et cela peut être fait parfois involontairement.
On ne sait pas toujours comment une parole peut être mal interprétée
par l’autre et le blesser.

Mais il faut encore moins confondre le pardon avec l’oubli.
Si quelqu’un a blessé notre amitié, l’oubli n’arrangera rien.
Si c’est moi qui l’ai blessée, l’oubli ne touchera pas cette personne.
On dit souvent: je pardonne mais je n’oublie pas.
C’est vrai qu’oublier est indépendant de notre volonté.

Pour pardonner, il faut au contraire ne pas oublier.
Car qu’est-ce que le pardon ?
C’est redonner notre amitié à la personne qui nous a blessée
ou inversement demander à la personne que nous avons blessée
de bien vouloir accueillir à nouveau notre amitié.
Si on oublie l’offense, on ne peut faire ce geste de réconciliation.

Le pardon doit aussi être un geste inconditionnel.
Il ne faut pas exiger de réparation pour pardonner.
La réparation viendra peut-être mais après la réconciliation.

Lorsqu’on parle de réparation, on parle de justice.
La justice demande au malfaiteur, au mal-faisant de reconnaître ses torts,
puis de réparer ses torts.
On utilise pour cela les amendes ou les séjours en prison.
Cela ne recrée pas l’amitié dans les relations.
Les amérindiens ont une pratique intéressante.
Ils ont, dans leur tradition, le cercle de guérison
où l’on met en présence le malfaisant et celui auquel il a fait mal
pour qu’ils puissent mieux se comprendre et renouer leurs liens en se donnant un peu d’amitié…

On retrouve souvent une mauvaise conception du pardon dans les relations parents-enfants.
Si un enfant a fait quelque chose de mal
on commence par le punir…
et même si le geste qu’il a posé était involontaire: comme renverser un verre, casser une assiette.
Pour le punir, on l’envoie dans sa chambre, pire on lui donne une gifle…
Puis quand on pense que l’enfant a été assez puni, on lui pardonne en l’embrassant.
Cela peut faire penser à l’enfant qu’il n’est aimé que s’il se conduit correctement.
Qu’il n’est pas aimé gratuitement.

Cela laisse parfois des traces durables, tout au long de la vie,
car on risque de croire qu’on ne peut être aimé que si on est correct… avec les autres et… avec Dieu.

Le pardon est une guérison. Parfois cette guérison peut prendre du temps.
Il peut même arriver que nous soyons tellement blessés
que notre sensibilité est incapable de pardonner.
Ce n’est pas si grave… il faut reconnaître nos limites.
Ce qui est grave, c’est quand on décide consciemment qu’on ne veut pas pardonner,
ni maintenant, ni plus tard.

Pardonner ne se fait pas sans souffrance… le plus souvent.
La souffrance est d’autant plus grande que la relation blessée était plus forte.
Ainsi il me semble que Jésus a-t-il eu moins de mal à pardonner aux grands-prêtres
ou à Pilate
qu’à ses propres disciples, dont il a fait ses amis et qui l’ont abandonné, renié, trahi.
Jésus a même donné à ses disciples un signe de son pardon
avant même qu’ils ne l’abandonnent.

Les premières paroles de Jésus ressuscité sont pour donner aux disciples cette mission:
Il insuffle son souffle d’amour en eux
pour qu’ils remettent les péchés, pour qu’ils soient des porteurs de pardon.

Le pardon est fait pour faire renaître l’amour, grandir l’amour.
Pour qu’il existe, il faut qu’il soit donné et accueilli.
S’il y a réparation, cela viendra après.
Cet amour est difficile… nous sommes tous si pauvres en amour.
C’est pourquoi le chrétien va puiser cet amour qui pardonne
dans le coeur de Dieu: le coeur qui aime infiniment.