21 Sep

L’Église et la politique

Un évêque du Québec avait donné son accord à un prêtre de son diocèse pour qu’il se présente comme candidat député. Les prises de position de ce prêtre, qui approuve le mariage des gais notamment et la contraception, ont déplu à un certain nombre de chrétiens qui ont écrit à Rome pour dénoncer les positions de ce prêtre. Le Vatican a fini par demander à l’évêque d’intimer à ce prêtre de choisir : ou il est député et renonce à la prêtrise, ou il reste prêtre et renonce à la politique.

Personnellement je n’approuve pas qu’un prêtre qui garde sa qualité de prêtre soit en même temps un député de quelque parti politique que ce soit. Quand on est membre d’un parti – et à plus forte raison lorsqu’on est un élu de ce parti – on perd une certaine liberté d’expression. En effet, il faut agir bien souvent en s’alignant sur la position du parti.

Or l’Église, elle, ne doit pas se comporter comme les partis politiques. Pour être conforme à la pratique de Jésus, il me semble qu’elle doit avoir un autre comportement. Dans la grande Tradition de l’Église, ce qui prime avant tout est la liberté de la conscience de toute personne. Autant en ce qui concerne les questions de morale sociale que de morale sexuelle (remariage des divorcés, contraception, orientation sexuelle, etc). Sur ces questions – qui ne sont pas des points dogmatiques -, les catholiques peuvent avoir des positions divergentes. De même, il me semble que sur le plan de la liturgie où Rome voudrait que toute communauté s’aligne sur des normes communes, la question se pose aussi. Le pape Benoit XVI ne vient-il pas d’accorder à certains fidèles de l’Église romaine de célébrer selon une autre pratique liturgique que celle de la majorité des communautés de l’Église romaine? Une décision dont je me réjouis mais que je voudrais voir étendue à toutes les communautés qui créent – avec l’approbation de leur curé ou de leur évêque – des pratiques liturgiques qu’ils estiment plus conformes aux cultures actuelles.

Un prêtre- curé, parce qu’il est le rassembleur d’une communauté paroissiale, se doit de dire le point de vue de son évêque sur les questions morales. Mais, en tant que personne, il peut dire aussi sa propre pensée, même si elle diffère de celle de l’Évêque.
Il en est de même pour l’Évêque, qui se doit de dire la position officielle de l’Église catholique, mais peut aussi dire les points sur lesquels il a une opinion différente.
On pourrait en dire autant des théologiens et théologiennes. La communion ne se bâtit pas sur l’uniformité mais sur une diversité respectueuse des points de vue de chacun.

Le cardinal Newman, un anglican devenu membre de l’Église catholique, disait qu’entre «le Pape et sa conscience, il choisirait sa conscience». Le grand théologien Thomas d’Aquin ne renierait pas cette phrase. Certes, chaque chrétien a le devoir moral d’éclairer sa conscience en accueillant les lumières des autres membres de l’Église, qu’ils soient laïques ou membres du clergé. Mais il a le devoir de penser et d’agir selon ce que sa conscience, au bout de sa réflexion, lui dit de sa compréhension de l’Évangile.

Les responsables de l’Église catholique, à travers les siècles, ont souvent pris des positions que les générations postérieures ont regrettées. Il ne faut pas que notre Église devienne totalitariste et oublie ce point de vue de la grande Tradition que chaque chrétien est libre de suivre sa conscience. Qu’il a même le devoir de suivre sa conscience quand bien même cela irait à l’encontre de la pensée – sur le plan de la morale comme du dogme – de ce que l’on appelle la hiérarchie.

Je souhaite qu’en abandonnant sa fonction de député, ce prêtre-curé retrouve cette liberté que Jésus nous a enseignée à travers sa propre attitude vis-à-vis de certains préceptes de la Loi biblique, préceptes qui étaient alors devenus des absolus pour bon nombre de scribes et de pharisiens. Je fais ce même souhait pour les évêques qui, trop souvent, n’osent prendre des positions contraires à celles de Rome sur des points d’ordre canonique, comme d’accorder un mandat pastoral à des prêtres qui se sont mariés. À un moment où l’Église catholique, en raison du manque catastrophique de prêtres, privent de l’Eucharistie de nombreuses communautés, les évêques devraient avoir le courage de tels gestes. Il me semble que ce serait être fidèle à la pensée de Jésus.

Georges Convert, prêtre.